
La sortie du système ChatGPT (Générative Pre-trained Transformer) le 30 novembre 2022 par OpenAI et le développement rapide de versions améliorées en quelques semaines seulement ont replacé la question de l’intelligence artificielle au centre des préoccupations politiques.
Le Parlement européen, réuni en session plénière le mercredi 14 juin, a adopté une position sur l’Artificial Intelligence Act déposé, en avril 2021, par la Commission européenne. Le Parlement européen a insisté sur la nécessité de réguler les systèmes d’intelligence artificielle et d’en encadrer l’usage, conformément au texte initial de la Commission. Il y apporte néanmoins des restrictions supplémentaires notamment en refusant les systèmes de reconnaissance faciale dans les lieux publics pourtant initialement proposés par la Commission à destination les forces de l’ordre dans la lutte contre la criminalité et le terrorisme. Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, et la commissaire à la Concurrence, Margaret Verstager, ont énoncé les enjeux et les dangers de l’IA sur le « plan social, éthique et économique » estimant qu’un texte commun devait être trouvé dans les prochains mois pour une entrée en vigueur du Règlement en 2026. Le but du texte serait s’assurer un contrôle humain sur la machine, l’établissement d’une documentation technique, la mise en place d’un système de contrôle du risque, le tout supervisé par une autorité de surveillance dans chaque pays membre.
Cependant, il ne faudrait pas négliger de mettre cette promesse de régulation et cette prudence apparente en regard du discours d’Emmanuel Macron, le même jour, au salon Viva Tech. Et le président d’ouvrir son intervention par le mantra de la régulation, destiné à rassurer les grincheux qui verraient dans l’intelligence artificielle autre chose qu’une prouesse technologique ayant vocation à améliorer le sort de l’homme : « Nous avons besoin de règles, d’une régulation de base ». En grand défenseur de la Science, Macron promet que l’État « va investir comme un fou (on appréciera le terme utilisé) dans la formation et la recherche », « faire émerger 5 à 10 IA cluster à hauteur de 500 millions d’euros » pour ne pas perdre les positions face aux Etats-Unis et à la Chine.
Macron met en opposition subtile la régulation et « le risque fort de gêner l’innovation ». En bon saint-simonien 2.0, comme l’ensemble de la Caste de Davos, il estime que l’intelligence artificielle est le marché sur lequel la France doit se positionner avantageusement, « en pointe de cette nouvelle révolution industrielle ». La référence à peine voilée à la Quatrième Révolution Industrielle trahit l’enjeu véritable de l’intelligence artificielle selon Macron. Derrière l’économisme et la défense de la « souveraineté », le président souhaite valoriser le secteur qui met en concurrence le biologique et le numérique. L’intelligence artificielle est en effet le champ de bataille où, comme le dit Noam Yuval Harari, se révèlent la nudité et l’obsolescence de l’Homo sapiens, sa faiblesse qu’il s’agit de réparer, d’ « augmenter » pour reprendre les termes des thuriféraires du transhumanisme. La fusion du biologique et du numérique – et du physique – annoncée par Klaus Schwab, dans son ouvrage La Quatrième Révolution Industrielle, est une entreprise de refondation, de régénérescence de l’homme par la technologie et la réalité augmentée. Celle-ci ne peut se réaliser que lorsque l’ensemble du public est progressivement convaincu de l’insuffisance voire de l’inanité de l’intelligence naturelle. « Bêtise naturelle versus intelligence artificielle » disait Noam Yuval Harari dans 21 Leçons sur le XXIème siècle. La fabrique du consentement est à ce prix. Renoncer au cerveau, à la nature demande du temps. Le petit peuple doit s’y habituer. Il faut investir « comme un fou »…
Naturellement, la demande de « pause » recommandée depuis 2022 par certains scientifiques ou par l’opinion publique passe pour une insulte à la Science. Nous avions entendu de semblables arguments lors du très politique et si peu scientifique pass sanitaire. Or, le débat est tronqué de ce point de vue. La science sur l’intelligence artificielle, c’est-à-dire les connaissances théoriques et méthodologiques sur ce domaine sont bien établies et vont du reste bon train dans les universités. C’est l’ingénierie, l’application industrielle de cette science qui pose problème, aucunement la science elle-même. Le Davoscène s’ingénie à confondre science et ingénierie car précisément toute activité intellectuelle est réduite à son empreinte industrielle, à l’élaboration d’une ingénierie qu’elle soit médicale, sociale ou autre. Macron, lui-même, voit l’intelligence artificielle, non comme une science – qu’il défendrait – mais comme un instrument, ce qu’elle est du reste, pour des applications en termes de politiques publiques. Il en énumère d’ailleurs quelques applications possibles : « traiter des petits contentieux civils » ou – on appréciera l’exemple… – « traiter plus vite les flux migratoires ».
Le contexte d’écriture du texte de la Commission européenne – avril 2021 – doit poser question. A cette époque sinistre où médecine et science ont été honteusement piétinées par les marionnettistes du Great Reset – toujours aux commandes du reste -, le modèle chinois de contrôle social et de reconnaissance faciale trouvait des adeptes dans tous les gouvernements des ex- Young global leaders. Tout le monde s’alignait, médias, « experts », y compris certains sénateurs français notamment dans le rapport d’information n° 673 déposé le 3 juin 2021 (Crises sanitaires et outils numériques : répondre avec efficacité pour retrouver nos libertés). Il ne s’agit pas de faire un quelconque procès d’intention mais L’ Intelligence Artificial Act de la Commision européenne a été conçu dans ce contexte intellectuel où l’unique projet était la mise en musique politique du projet de réinitialisation. Les discours de régulation, de maîtrise éthique ne doivent pas nous abuser. Il s’agit de lire entre les lignes et de deviner la stratégie patiente mise en place par les ingénieurs du désastre.
