La pandémie que nous connaissons aujourd’hui est un tremblement de terre qui vient déchirer le paradigme politique et intellectuel dans lequel la postmodernité nous a enfermés. La décision de confinement exprimée par le Président de la République le 16 mars 2020 est venue bousculer temporairement les habitudes des Français mais aussi, plus discrètement et peut-être plus durablement, la hiérarchie des normes juridiques, ce qui révèle a posteriori l’incurie de pouvoirs publics à contre-emploi ne sachant pas ou ne voulant pas utiliser les armes juridiques et politiques pourtant à leur disposition dans l’intérêt des Français.
Emmanuel Macron a pris la décision – sans certes prononcer le mot – de « confiner » la population française en appliquant des règles extrêmement restrictives en termes de libertés publiques. Il n’a pas eu recours – et c’est normal – à l’article 16 de la Constitution comme l’ont évoqué certains médias, qui concerne non une pandémie mais des menaces identifiées sur les « institutions de la République, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux ». Il n’a pas davantage eu recours à la loi du 3 avril 1955 (dite de l’état d’urgence) applicable « en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique », « calamité publique » désignant généralement des catastrophes naturelles mais applicable manifestement pour la propagation d’un virus. C’est le décret n°2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19 pris par le Premier ministre qui vient entraver notamment la libre circulation des personnes, un texte positionné assez bas dans la hiérarchie des normes, ce qui pose un certain nombre de questions.
Une question juridique tout d’abord : un simple décret permet de restreindre la liberté de circulation, une des libertés à valeur constitutionnelle reconnue par l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Hommedu 10 décembre 1948 (« 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. »). Le décret du 16 mars 2020 permet aussi de restreindre le libre exercice d’activités commerciales, ou tout au moins l’organisation interne des entreprises. L’ordonnance du Conseil d’Etat, référé, du 25 avril 2002, n° 245414, Société Saria Industries disposant que l’exploitation d’un établissement peut être interrompue si celui-ci ne se conforme pas à des « prescriptions légalement imposées », impliquant ainsi qu’un simple décret n’est pas compétent pour définir de telles dispositions. Ainsi, la hiérarchie des normes est singulièrement bousculée, voire inversée, ce qui pourrait créer une situation d’incertitude juridique nuisible à la lisibilité du droit. La décision prise par le Président de la République fut la bonne sur un plan sanitaire, c’est une évidence. Mais le niveau décrétal pour porter cette décision de confinement semble très bas en comparaison des libertés fondamentales auxquelles les personnes sont sommées de renoncer. Cela renforce l’idée d’un pouvoir qui peut prendre des dispositions exorbitantes de droit commun avec un arsenal juridique minimaliste. Cela ouvre un champ sur la tyrannie potentielle que peut incarner l’Etat postmoderne, loin de la fiction d’une République apaisée, soucieuse des libertés publiques.
Une question politique ensuite. On se rend compte que les interdits supposés ou le corset législatif invoqué pour d’autres questions de politiques publiques sont des impostures. Si l’on peut restreindre aussi « facilement », par décret, la liberté de circulation et la liberté du travail ou des organisations , comment peut-on accepter l’enkystement du non-droit dans les banlieues, cette liberté anarchique de circulation de terroristes et de stupéfiants. Cette affaire nous montre que tout repose sur la décision politique et la volonté collective. Les instruments de coercition sont là, activables lorsque cela est jugé nécessaire. La sécession de pans entiers de territoires français, le changement de peuple ne paraissent pas relever des priorités de la Nation, ni de la part des pouvoirs publics terrés dans leur immobilisme, leur cynisme ou leur lâcheté, ni de la part des Français anesthésiés par l’oubli de ce qu’ils sont.
Une question symbolique qui révèle qu’Emmanuel Macron joue à contre-emploi .
Emmanuel Macron est le président qui a tout misé sur la mobilité : mobilité des capitaux à travers des projets de privatisations (ADP), mobilité professionnelle à travers l’assouplissement du droit du travail censé fluidifier le marché de l’emploi, mobilité internationale des hommes à travers la signature du Pacte de Marrakech le 10 décembre 2018. Or, Emmanuel Macron est devenu de président de l’immobilité contrainte, du « restez chez vous », ce qui résonne assez ironiquement comme un rappel du caractère protecteur, rassurant, immunitaire du chez soi. Le mouvement – sauf s’il est obligatoire ou vital – devient passible d’une contravention et assimilé à une perturbation de l’ordre public. « Chez soi », auparavant dénigré par la coterie de la société ouverte, devient la valeur refuge, le symbole du respect des personnels hospitaliers, du civisme le plus abouti. Pour reprendre un terme de Renaud Camus, si vous voulez être nocent, sortez, ayez l’« esprit d’ouverture »…
Emmanuel Macron a voulu donner à son allocution une tonalité martiale. L’incantation anaphorique du « Nous sommes en guerre » – quoique passablement théâtrale, rassemble efficacement la figure traditionnelle du chef d’Etat et du chef de guerre. Si les révélations d’Agnès Buzyn dans l’interview du Monde montrent un chef de guerre malheureusement moins résolu et va-t-en-guerre qu’il n’y paraît dans son allocution, on souhaiterait que ce volontarisme guerrier soit invoqué pour toutes les questions qui relèvent de l’intérêt de la Nation. L’affaire du Covid-19 engage une question vitale de santé publique. La mobilisation générale et l’appel à la responsabilité de l’ensemble des Français sont justifiés. Pourquoi alors cet attentisme sur les questions internationales, notamment sur les menaces d’Erdogan et les provocations inacceptables de son chantage migratoire qui engagent elles aussi la survie de la Nation ?
Confiner les Français chez eux : tout un symbole, à contre-emploi pour Emmanuel Macron. Le Président de la République a décrété la mobilisation générale contre un virus qui met en danger le corps des personnes. Il est à craindre qu’il ne daigne pas faire, une fois cette crise passée, la même chose pour tout ce qui met en danger, de manière tout aussi importante, le corps de la Nation…
Merci pour cette excellente analyse juridique et politique sur le confinement. Le projet de loi d’urgence sanitaire pose également d’importantes questions en matière de libertés publiques. J’ espère que la représentation nationale saura poser les questions qui s’imposent et qu’à l’issue de ce dispositif, une évaluation sera conduite, comme cela a été le cas pour la loi de novembre 2017 sécurité et lutte contre le terrorisme. Il faudra aussi demander des comptes, devant la Cour de justice de la république, à tous ceux qui exercent de hautes responsabilités et qui n’ont pas agi à temps et de manière appropriée dans cette affaire.
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