Economie

Dématérialisation et virtualisation de l’économie

L’économie contemporaine est marquée par une tendance à la dématérialisation que l’on appelle assez pompeusement d’ailleurs depuis le sommet de Lisbonne de mars 2000 « l’économie de la connaissance ».  Cette dématérialisation s’est caractérisée par un nouveau rapport au travail marqué par l’idéologie post-industrialiste, relayée par l’idéologie de la fin du travail telle qu’exprimée par Jérémy Rifkin.

L’économie industrielle est fondée sur la construction de richesses appuyées sur l’exploitation de matières premières qui fournissent bien, énergie et en dernière instance capitaux. L’idée véhiculée par la pensée écologiste depuis le rapport Brundtland de 1970 d’une finitude des matières premières a conduit à repenser le modèle industriel. Ayons toujours à l’esprit que l’économie française en 2015 est essentiellement une économie tertiaire. Le secteur tertiaire occupe en effet 76.7% (78.8 % est. 2016) de la population, tandis que le secteur primaire n’en représente que 2.8% (1.7% est. 2016) et le secteur secondaire (l’industrie) pas plus de 20.5 % (19.4% est. 2016). Cette tertiarisation est un mouvement global mais très inégal selon les pays. Au Mali, 41% de la population active exerce dans le secteur primaire, au Paraguay pas moins de 17%. Si l’évolution globale est à la tertiarisation, c’est parce que nous sommes passés d’une économie du bien (objectivée dans la valeur de la chose) à une économie de l’interaction (une économie nominaliste). L’accroissement des échanges consécutifs aux différentes vagues de planétarisation (Rome, conquête espagnole et portugaise, expansion du commerce chinois, rayonnement français et britannique dans la période de colonisation) a contribué à l’accroissement des services et a créé deux phénomènes qui expriment cette dématérialisation : la déterritorialisation et la virtualisation.

La déterritorialisation d’abord. L’économie s’est globalisée et les entreprises (GE) ont souvent un capital plus important que certains Etats et se sont internationalisées ignorant ainsi les frontières politiques, fiscales et sociales des Etats. Autrement dit, le chef de ces entreprises n’a que faire des circulaires ou décrets du ministre de l’économie de son pays d’origine. Cette déterritorialisation de la création de richesse oblige les stratégies nationales à évoluer et à peser autrement sur leur environnement. La taxe sur les transactions financières (TFF) déjà créée en mai 2014 a certes du mal à se mettre en place mais l’intérêt de cette mesure fiscale est de reterritorialiser la richesse créée en la faisant revenir sur les territoires nationaux. L’idée est simple : pourquoi écraser nos entreprises ancrées dans le territoire d’une fiscalité souvent confiscatoire alors que des entreprises mondialisées dégagent des bénéfices dont la taxation serait relativement indolore et neutre économiquement ?

La virtualisation de l’économie ensuite. La crise de la bulle internet en 2001, la crise des subprimes en 2007 proviennent d’un écart croissant entre la perception de la valeur d’un bien et la valeur réelle du bien évalué. Les phénomènes psychologiques d’anticipation, l’attrait spéculatif, les effets d’entraînement vont vers une accentuation dans le temps de ce décalage et vers une virtualisation progressive de la richesse perçue. Lorsque la lumière revient sur la valeur réelle du bien, le phénomène inverse se crée : fuite, hystérie collective, et dépréciation brutale et excessive du bien considéré. Ces phénomènes oscillatoires et spéculatifs, vecteurs de crise et de dépressions économiques et psychologiques, montrent une virtualisation de l’économie où la chose et sa valeur sont déconnectées.
Cette virtualisation de l’économie est d’ailleurs observable dans l’évolution récente des prix des biens de consommation sur le marché. Un article du Figaro du 6 janvier 2015 souligne les Français ont une perception de moins en moins nette des prix. Cette perception est révélatrice de la crise de la notion de prix. La multiplication des période de soldes, le phénomène des low-cost ont entraîné une extrême élasticité des prix si bien qu’en un instant identique le prix d’une chose peut-être dans un rapport de 1 à 3. Ce relativisme des prix provient d’une économie que l’on pourrait qualifier de  » nominaliste « . Le prix d’un objet n’est plus tant le produit de sa valeur, n’est plus tant la manifestation d’un rapport entre l’offre et la demande qu’un marquage aléatoire dû à une perception éphémère du produit dont la valeur n’est plus intrinsèque mais totalement externalisée. D’où l’importance capitale du conditionnement, de la publicité, de l’assurance du produit qui sont autant de marqueurs externes et exclusifs de sa valeur. D’où aussi et c’est plus grave une  » ère du soupçon  » sur la valeur des choses qui s’observe dans les comportements attentistes des consommateurs, décontenancés devant ces prix aléatoires qui ne sont plus des signes ou des indicateurs fiables.

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