L’histoire et le présent sont vus à travers des lunettes singulièrement déformantes. Notre époque connaît une mythologie républicaine qui plonge ses racines dans la période révolutionnaire avec ses conquêtes politiques et ses exploits militaires.
La décapitation du roi le 21 janvier 1793 est l’acte de naissance sanglant de l’ère républicaine qui commence par le régime de la Terreur. Après la période napoléonienne et les soubresauts d’une monarchie qui ne veut pas mourir, la IIIème République a poursuivi l’entreprise de déchristianisation robespierriste à travers l’idéologie maçonnique qui s’est institutionnalisé à travers les lois constitutionnelles du 22 février 1875 et les gouvernements (sous Emile Loubet, les gouvernements Waldeck-Rousseau, Combes puis Rouvière) qui ont ouvert le XXème siècle. La République, construction patiente accélérée par les jeunes hégéliens de gauche est une incarnation institutionnelle et politique de l’Etre suprême. Construction hégélienne, maçonnique à beaucoup d’égards, la République telle que nous la connaissons aujourd’hui se construit idéologiquement contre la tradition, dans un progressisme illusoire, qui considère nécessaire la déchristianisation des esprits et des cœurs pour pouvoir installer les fondements idéologiques d’une société libérale et libertaire au service de l’individu et de ses passions. Forme contingente et désincarnée de l’Etat, la naissance et le renforcement de la République est considéré dans une perspective hégélienne comme une forme aboutie d’entité politique.
Dans la mythologie contemporaine, la République est considérée comme l’aboutissement nécessaire d’un mouvement historique dont les formes monarchiques et les épisodes révolutionnaires et anarchiques sont des temps antithétique. La république est vue comme la synthèse dépassant ces contradictions. La République serait donc l’incarnation de la Raison dans l’histoire qui s’est dépouillée de ces passions comme le montrent les symboles hérités de la culture grecque (la balance, le Sceau de France et la représentation de Junon, le bonnet Phrygien). A travers cette symbolique, la République française est une incarnation et une institutionnalisation du logos. Nécessaire, fruit d’un processus inéluctable, la République est un régime intrinsèquement aléthique, éthique et esthétique. Il est la forme politique du vrai, du bien et du beau et sa parodie trinitaire « liberté, égalité, fraternité » vient renforcer cette mythologie d’une république émancipatrice, progressiste et investie d’une mission dans l’histoire. Nous ne sommes pas sortis d’une certaine manière de cette lecture hégélienne ou historiciste de la République.
Or, la République n’est qu’un régime possible parmi d’autres et demeure profondément contingente. Tout d’abord, l’assimilation de la République et de la démocratie est une supercherie totale qui fait fi des expériences historiques récentes partagées pourtant de tous. Que penser de la forme républicaine qu’a prise la république démocratique allemande ou la république populaire de Chine ? Elles n’étaient manifestement pas la garantie d’une démocratie irréprochable. L’Union européenne est constituée de 11 monarchies (Andorre, Monaco, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Suède, Danemark, Norvège, Liechtenstein, Vatican). Toutes sont des démocraties parfois citées en exemple en termes de cohésion sociale et de qualité de vie. La république est donc un régime protéiforme qui n’est pas intrinsèquement investi de valeurs si ce n’est dans une perspective téléologique, progressiste et naïve.
Le mensonge républicain contemporain vient de là. La république est un messianisme sans Dieu, un viatique de valeurs sans transcendance, un système non seulement politique mais surtout philosophique fondé sur l’immanence d’où sa contingence et sa fragilité intrinsèque.