La déstructuration sociale repose sur la déstructuration de son unité, la cellule familiale.
La protection de la famille relève d’une exigence d’Etat car il s’agit à travers la démographie d’assurer le renouvellement des générations et partant de maintenir la force et la puissance d’un pays. Malthus (1766-1834) considérait que l’accroissement géométrique de la population dépassait rapidement l’accroissement arithmétique de ses ressources. Cette conception a rencontré le développement des droits individuels et très vite le malthusianisme a correspondu à la défense des droits parentaux. A la défense du plus faible face au plus fort s’est substitué la défense raisonnée et juridicisée du droit du plus fort. Ainsi, le droit à la contraception (1967) puis à l’avortement (1974) ont mis en concurrence la logique familialiste et la logique individualiste. Constituer une famille passe par l’imperium de l’individu qui se donne droit de vie et de mort sur un embryon. Ironiquement et sous couvert de vertus démocratiques et de défense des droits individuels, l’individu s’accorde les prérogatives primitives et archaïques du roi (droit de vie et de mort, droit de grâce). Il est toujours savoureux de dénicher l’archaïque derrière la rhétorique de la modernité, de la branchitude et de la coolitude. Malheureusement, cette institutionnalisation de la mort par la loi a contribué à menacer l’intégrité sociale de la cellule familiale. La famille est devenue non un ordre naturel des choses dans lequel l’individu se réalise mais un choix, le produit fortuit d’une volonté capricieuse.
Le fruit de cette nouvelle anthropologie individualiste est – on s’en doute- le recul de la famille traditionnelle au profit de famille monoparentales ou recomposée. Les familles monoparentales ont doublé de 1990 à 2013 passant de 950 000 à plus de 1 800 000. 5,7 millions de personnes sont concernées soit 1/10ème de la population française. Il existe environ 800 000 familles recomposées : la famille n’est plus un espace fixe mais devient, à l’image du monde, un espace baroque, contractualisé, que les hommes font et défont en fonction de leur désirs et volonté. La promotion de l’amour-passionnel à partir du XIXème siècle a considérablement réduit le temps du couple, une réduction qui s’est d’ailleurs accélérée à partir de mai 1968 qui n’est que le prolongement de la dictature du cœur. Le primat de l’émotion sur la raison a eu raison de la stabilité familiale. Une famille, auparavant consacrée par le mariage, était protégée par l’interdit de défaire ce qui est fait par Dieu et la temporalité du couple s’inscrivait dans l’éternité. Aujourd’hui, la mort de Dieu laisse comme seul arbitres du mariage les intermittences du cœur et les caprices de la volonté. Le couple s’inscrit ainsi dans le cycle génération-corruption et meurt comme toutes les choses de ce monde.