Comment être surpris du recul de l’autorité présidentielle lorsque la figure qui représente l’unité est devenu inutile dans une société communautarisée et fondée sur la somme des intérêts particuliers ? Plusieurs signaux politiques auraient dû pourtant nous alerter sur cette décadence de la figure présidentielle.
Le passage au quinquennat a été une amorce de cette déprésidentialisation du régime républicain. Le 24 septembre 2000, pour s’aligner sur les mandatures anglo-saxonnes et pour mettre en cohérence le calendrier législatif et présidentiel (la belle affaire !), le Président Chirac a proposé le passage du mandat présidentiel de sept ans à cinq ans. Dans l’indifférence généralisée (69% d’abstention), après endormissement médiatique, les français se sont prononcés pour l’adoption du quinquennat. Ce raccourcissement du mandat présidentiel a engendré une culture politique du temps court. Nous avons suffisamment de recul pour voir que le septennat était un temps raisonnable pour le monarque républicain voulu par la Vème république de mettre en place une politique, de l’ajuster et de cultiver sa durée en préparant sa réélection en imaginant qu’il ait un projet pour un deuxième septennat. Un premier ministre pouvait être le porteur de ces trois temps politiques. Le chef de l’Etat restait dans des fonctions régaliennes de temps long et laissait à son premier ministre la direction du gouvernement. Chef d’une majorité, il mettait en œuvre une politique impulsée par un chef de l’Etat qui fixait un cap pouvant prendre plusieurs formes en fonction des contingences de l’actualité. Ce système de non-correspondance entre le temps du Président et le temps du premier ministre permettait à l’action présidentielle de s’inscrire dans le temps et dans l’espace régalien limitativement entendu.
Le quinquennat, en raccourcissant le mandat, à dramatisé la problématique de la durée du pouvoir et a transformé le premier mandat en temps préparatoire du second.
Le quinquennat à primo-ministérialisé le président. La correspondance entre le mandat du président et celui du premier ministre a mis en concurrence ces deux instances dont le rôle est pourtant bien distingué par la Constitution de 1958. Pris dans le temps court, le Président est happé par les affaires courantes, par les dossiers non-régaliens. Inscrit dans un calendrier étriqué, il devient prisonnier du séquençage de l’action politique gouvernementale et demeure ballotté par les séquences médiatiques, sondagières, parlementaires en abandonnant sa situation de surplomb. Les 3 premiers quinquennats (Jacques Chirac de 2002 à 2007, Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012, François Hollande de 2012 à 2017) ont exposé le président à l’usure politique naturelle d’un chef de gouvernement qu’un président pouvait réparer dans un mandat de sept ans. On est arrivé même à ce paradoxe d’un chef d’Etat plus impopulaire que son premier ministre dans le quinquennat de Nicolas Sarkozy alors qu’il n’a jamais changé de Premier ministre.
Si le président s’est primo-ministérialisé, c’est parce que la source de souveraineté s’est déplacée. Les grands sujets de nature régalienne (affaires étrangères, défense, ordre public, choix budgétaires, fiscalité) ont été scandaleusement confisqués par l’Union européenne depuis Maastricht en 1992 et par une ré-adhésion à l’OTAN en 2008. La sphère d’influence du président s’est déplacée vers le bas d’où le premier ministre « collaborateur », une formule malheureuse mais qui a l’honnêteté d’avouer l’hypo-présidentialisation de notre régime. Le roi républicain est nu. Il est absorbé désormais par des politiques publiques périphériques qui n’engagent pas la stratégie nationale en termes de défense, de sécurité et d’économie.