La politique économique d’un pays est déterminée par la qualité de sa politique de recettes.
Sur le plan des recettes, la France ne peut plus bien sûr relever son taux de prélèvement obligatoires qui a dépassé celui du Danemark, le plus haut jusque-là, à 44.5% du PIB en 2017. C’est le plus fort taux de prélèvement de tout l’OCDE. Au regard du manque d’efficience des services publics français, on est en droit de s’interroger sur un tel niveau de prélèvement obligatoire qui grève gravement la consommation des ménages. Le solde général du budget de l’Etat 2017 détaillant la structure de l’impôt en France montre une progression nette de l’impôt sur le revenu passant de 2012 à 2017 de 59.5 milliard d’€ à 73.4 milliard d’€, une progression de la TVA de 133.4 milliards d’€ à 149.4 milliards d’€ et une baisse significative de l’impôt sur les sociétés de 40.8 milliards d’€ à 29.4 milliards d’€. Cette dissymétrie entre la fiscalité des foyers et la fiscalité des entreprises s’inscrit dans une politique de l’offre tout à fait admissible pour les entreprises qui, moins fiscalisées, vont pouvoir tourner leurs profits éventuels vers l’investissement, économiquement rémunérateur. Mais cette politique de l’offre s’accompagnement d’une politique de restriction de la demande par l’augmentation substantielle d’impôts qui représentent un poste important dans la dépense des ménages. Ainsi, une fois encore, les deux effets s’annulent. En tout état de cause, il est hors de questions pour un gouvernement, d’augmenter un taux de prélèvement clairement confiscatoire et qui prendrait le risque de remettre en cause le consentement au cœur du pacte républicain. Si le taux de prélèvement est un levier inopérant, le jeu sur les bases fiscales n’est pas plus envisageable. Les politiques consistant à élargir les assiettes fiscales entrent en conflit avec la politique souvent électoraliste d’exonération fiscale qui a connu un regain avec les politiques de gauche clientélistes et communautaristes comme en témoignent le resserrement de l’assiette fiscale de l’IRPP. L’augmentation en volume de ce dernier est d’autant plus scandaleuse !
Les emprunts ne sont pas davantage envisageables car ils nuisent à la dépendance de la France. La dette s’élève en 2017 à 96% du PIB soit 2204 milliards d’€. Sur ces 2204 milliards d’€, 64% de la dette négociable est détenue par des non-résidents ce qui pose immédiatement le problème de la dépendance de la France à l’égard de ses créanciers. 19% de la dette est détenue par des assurances françaises, 10% par des établissements de crédit, 7% par d’autres créanciers français. Si la part des non-résidents dans la dette française se stabilise depuis 2011, le pic de non-résidents étant observé en 2009, les détenteurs de la dette française sont difficiles à identifier. Un article des Echosen juillet 2016 « Pourquoi l’Etat ignore qui détient sa dette » montre l’illisibilité inquiétante de la dette française du fait de la mondialisation qui accroit la vitesse de circulation des échanges et du coup rend complexe l’identification des détenteurs de la dette. Nous savons que nous sommes débiteurs mais nous ne savons pas exactement de qui.
Le problème de la France tient surtout à la destination de la dette qui sert à financer les dépenses de fonctionnement de l’Etat et de l’ensemble des collectivités publiques, c’est-à-dire des dépenses dont on ne peut espérer aucun retour de nature financière.
Dette globale en 2016 | 2171 M € | 100% |
Dette de l’Etat | 1743 M € | 80.2 % |
Dette des collectivités territoriales | 195 M € | 8.9 % |
Dette de la sécurité sociale | 233 M € | 10.7% |
Des dépenses d’investissement permettraient d’attendre un retour sur investissement permettant de rembourser cette dette ce qui éviterait la progression exponentielle que nous connaissons aujourd’hui. Malheureusement, ce n’est pas le cas aujourd’hui et force est de constater que notre endettement se fait dans le vide. Si l’on observe la répartition du budget de l’Etat en 2016, on constate que sur les 409,9 milliards d’€ engagés, 45 milliards représentent les engagements financiers de l’Etat soit le remboursement des seuls intérêts de la dette soit seulement 2 milliards de moins que le 1erbudget de l’Etat, l’enseignement scolaire. Il est à noter que, contrairement aux années précédentes, le Ministère de l’Economie et des Finances a retiré des missions de l’Etat le remboursement des intérêts de la dette pour mieux masquer sans doute que ce remboursement grève 1/10 de l’ensemble des missions de l’Etat !
Le dogme de la règle d’or stipule que la France doit rembourser sa dette publique car c’est sa capacité de remboursement qui détermine le degré de confiance des non-résidents à son égard pour mieux pouvoir emprunter. « Plus personne n’accepterait de nous prêter de l’argent » dit Jean-Marc Sylvestre dans un article d’Atlantico (11 juin 2015). C’est un cercle vicieux. La tyrannie du remboursement de la dette est destinée à assurer les emprunts de demain. Le seul moyen de dévaluer la dette est l’inflation mais la politique monétaire de la BCE est obnubilée par une stabilisation des taux d’intérêts et marquée par une peur historique de l’inflation. De plus, avec 71.2% de taux d’endettement, l’Allemagne n’est pas pressée de partir sur une tendance inflationniste dans la mesure où le bas niveau des taux d’intérêts favorise les investissements et la structure exportatrice de son économie. On retrouve là le problème de non-convergence économique de la France et de l’Allemagne et de leur rivalité historique arbitrée par la banque centrale européenne de Francfurt. Sans doute, l’Etat français devrait il réfléchir à une compression de ses dépenses publiques qui se financent sur la dette.
Impôts, dette : tels ont été les deux leviers de la politique de recettes de l’Etat. Nous devons changer notre fusil d’épaule pour assurer la soutenabilité de nos finances publiques.