Le mouvement des gilets jaunes cristallise un ras-le-bol évident sur la faiblesse du pouvoir d’achat : la hausse du prix du diesel, les déclarations hasardeuses du porte- parole du gouvernement, le refus du Président de participer au congrès des maires ont marqué une fracture inacceptable entre une France urbaine, connectée, inscrite dans l’instant et une France des territoires, enracinée, « recroquevillée » dans le passé et la ringardise des traditions.
Derrière ces phénomènes saillants, ce mouvement traduit le rejet, bien légitime, de la France qui vient.
Cette France, décrite par Christophe Guilluy depuis longtemps, se constitue par une fracture territoriale entre les métropoles mondialisées et la France périurbaine, « périphérique ». Ce mouvement, accentué par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, consacre la métropole comme l’échelon territorial d’avenir. La métropole est le hub de la mondialisation car les métropoles européennes, mondiales, se constituent en réseaux et forment un monde autonome qui s’harmonise, s’uniformise. Il finit par y avoir plus de similitudes géographiques, sociologiques, comportementales entre Paris, Madrid, Berlin ou Londres qu’entre Paris et n’importe quelle sous-préfecture française.
Ainsi, les métropoles deviennent des microcosmes du monde où se rassemblent tous les acteurs de la mondialisation. Les acteurs, premiers de cordée, les « davocrates » comme les appelle si justement Renaud Camus, ceux qui organisent et tirent un profit financier, économique, social de la mondialisation et les acteurs qui nourrissent la mondialisation, les immigrés principalement, instruments de cette sécession organisée et bras armés de la destruction du peuple d’origine.
L’objectif des davocrates est de créer un monde post-national en abolissant les frontières, la mémoire, l’histoire et surtout le peuple d’origine car il est enraciné, sédentaire, il est forgé par l’histoire du pays. Ils souhaitent le remplacement sémantique et réel de la Patrie par le « territoire », du sédentaire par le nomade, du « beauf » par le connecté, de l’enraciné par le virtuel. Les mondialistes ont besoin de tout cela pour forger un peuple amnésique, multicolore ou plutôt monocolore (la figure du métis), et dévoué au consumérisme le plus destructeur.
La réforme du stationnement urbain, qui a considérablement renchéri le prix de la circulation dans les villes, a rendu impossible le stationnement urbain des non-riverains entraînant ainsi une ségrégation naturelle et progressive par l’argent. La piétonisation des métropoles a permis de monétiser l’accès dans l’espace historique des villes ainsi muséifié. L’accès à la ville lui-même est, dans de nombreuses métropoles, accessible par un péage qui revient à la tradition de l’octroi. Les métropoles mondialisées se constituent ainsi en citadelles, en cités où la cohésion sociale et culturelle crée une sécession naturelle avec le reste du pays. Il y a les davocrates, leurs idiots utiles, les bobos, et leurs esclaves ou leurs bras armés, les immigrés. Tout cela forme une société cohérente qui s’auto-immunise, et s’auto-entretient voire s’auto-célèbre à travers les odes au multiculturalisme chantées par les médias psittacistes.
A l’intérieur de ces métropoles mondialisées, il existe deux espaces bien distincts : un espace haram, celui du centre historique, celui du musée et des loisirs (cafés, restaurants, discothèques branchées) et un espace halal constitué par les banlieues où la sécession islamiste a quasiment réalisé la partition territoriale, cultuelle et culturelle dont parlait François Hollande en 2016 dans Un président ne devrait pas dire ça. Les boucheries halal, les vêtements islamiques (voiles, niqab, qamis), la délinquance endémique , la présence de mosquées dans ces quartiers, tout spectacularise jusqu’à l’obscène la conquête territoriale musulmane, la colonisation inversée en cours, exprimée – excusez du peu par Olivier Faure il y a moins d’un mois…
Tous ces univers fonctionnent en vase clos avec des légitimités et des légalités concurrentes : cooptation, réseaux, pour les uns, charia pour les autres. Pour le davocrate, c’est le kérosène, pour l’immigré c’est 100km/h en ville sans radar ni contravention. Pour la France périphérique, c’est 80km/h sur les nationales et l’amende assurée à 86km/h. Pour elle, c’est la loi qui s’applique dans toute sa dureté et sa rigueur. Le davocrate et le délinquant immigrés bénéficieront d’une mansuétude qui lui est interdite. Et c’est là que le bât blesse.
Le peuple d’origine, lui, est à la périphérie. Il est hors de l’espace mondialisé et hors du temps mondialisé. Il est déconnecté, décalé, il s’inscrit dans la nature alors que la ville voue un culte à l’artifice et à la transformation prométhéenne de la nature. Il porte en lui quelque chose de « beauf » et de sauvage. C’est le barbare moderne.
Tout est inversé. Les villes sont les lieux de la barbarie et de la décivilisation. Et pourtant, elles sont magnifiées par leur statut de métropole mondialisées. Ce sont les cités modernes avec leurs hommes libres, leurs éphèbes et leurs esclaves. La France périphérique est respectueuse de la loi et elle est le barbare de ce modèle davocrate. Tout est cul par-dessus-tête. Les gilets jaunes en ont assez de ce monde à l’envers.
C’est la voix du Démos contre Davos. C’est aussi pour tout cela qu’ils manifestent.