Chroniques

4 octobre – La fonction publique à l’épreuve du remplacisme global

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La fonction publique est l’objet dernièrement d’une attention particulière des médias. Que ce soit dans la police, dans l’enseignement, les pompiers, ou la fonction publique hospitalière  le « malaise » est le terme employé pour qualifier les difficultés des fonctionnaires. Les syndicats – généralement à courte vue – arguent le manque de moyens, le politique concède une rallonge budgétaire pour acheter temporairement la paix sociale et le « malaise » calmé temporairement repart très vite de plus belle.

On se refuse à voir que la fonction publique est l’interface avec le public et qu’à ce titre elle rencontre souvent de plein fouet les dérives de notre société postmoderne.

L’organisation administrative est irrationnelle et atomisée. Elle conduit la fonction publique à orchestrer la désaffiliation du peuple français à son territoire, à son histoire.

La fonction publique est ventripotente, c’est vrai. Cette inefficacité est due à une indécision chronique entre le jacobinisme et le girondinisme. Le jacobinisme historique issu de la Révolution et ancré dans le bonapartisme pour des raisons organisationnelles et militaires est venu centraliser la décision et saturer l’Etat. On a bien essayé de sortir de ce jacobinisme historique bien ancré dans la culture politique par la loi de déconcentration du 6 février 1992 créant notamment les intercommunalités ; il s’agissait de créer une collectivité intermédiaire entre la commune (36000 en France) et les départements que l’on commençait déjà à considérer comme une échelon non pertinent pour les décisions publiques.

La décentralisation amorcée sous le ministère de Gaston Defferre par la loi du 2 mars 1982, est approfondie par la loi du 1er août 2003 qui donne à la décentralisation une valeur constitutionnelle. La loi du 27 janvier 2014 dite de Modernisation de l’Action Publique Territoriale et de l’Affirmation des Métropoles (MAPTAM) crée les métropoles. La loi 16 janvier 2015 et la loi NoTRE du 7 août 2015 donnent naissance aux 13 grandes régions. Ces lois se sont empilées et ont engendré une stratification administrative totalement irrationnelle que la Cour des comptes réprouve régulièrement (cf. Rapport sur les nouvelles régions). La fonction publique doit régulièrement, comme Protée, réadapter ses structures à cet univers institutionnel mouvant. Mais surtout, elle voit progressivement ses structures obéir à une remodélisation de la France dans une administration de plus en plus similaire à celle des nombreux pays européens. La structure communale, pourtant si chère aux Français, le département qui a une charge symbolique forte pour le peuple et l’échelon national sont effacés au profit d’une autre organisation tournée autour des métropoles, des régions, et de l’Union européenne. Ce déplacement d’échelle vient perturber la représentation de leur propre pays par l’ensemble des Français, nuit au sentiment patriotique et à l’identification. Ces nouvelles structures de substitution ont de moins en moins de lien avec l’histoire contrairement aux Provinces ou même au département. Cela conduit à une forme collective d’amnésie territoriale qui fait de la fonction publique, qu’elle le veuille ou non, un vecteur de la désaffiliation nationale.

Le management de la fonction publique a cristallisé ce mal-être.

Le mouvement des périmètres ministériels a conduit à un empilement de structures et de services qui ont été réorganisés. La rationalisation des choix budgétaires dans les années 60, la Loi Organique relative aux Lois de Finances du 1er août 2001 réorganisant le budget par mission, la Révision Générale des Politiques Publiques à partir de décembre 2007 avaient pour intention de rationaliser l’utilisation des deniers publics pour accroître l’efficacité des politiques publiques et l’efficience budgétaire dans une logique de compression des coûts. Le souci de « bonne gestion » et de saine utilisation des deniers publics c’est-à-dire de la contribution des Français partait manifestement d’une bonne intention. Mais derrière cela, c’est l’importation de méthodes managériales désastreuses qui ont entraîné des points de blocages.

La judiciarisation croissante de la société et l’extension de l’Etat de droit ont généralisé la peur du recours. Le « pas de vague » bien connu des fonctionnaires traduit une affaiblissement de l’administration à l’égard des usagers qui a, par capillarité, conduit à un affaiblissement de l’Etat. L’intégration des « provisions pour charges » dans les budgets traduisent cette intériorisation du recours. La fonction publique n’est plus dans la prescription mais dans une posture permanente de négociation. En rétroaction, les usagers ne se sentent plus protégés par une administration affaiblie, qui perd en crédibilité, en solidité et en confiance.

Le management de la fonction publique est placé sous le signe de l’urgence permanente. La complexité des structures interconnectées crée des agendas kafkaïens et des délais toujours plus contraints dans l’action administrative. Ce raccourcissement des délais fait reculer la réflexion stratégique et conduit à un séquençage des tâches qui déqualifie les missions et engendre un stress inefficace et contreproductif. Cela conduit à ces fameuses guerres des services où la préoccupation du bien commun laisse la place à une compétition souvent stupide et improductive entre services concurrents dans un même ministère.

La fonction publique, dans un mimétisme absurde avec le secteur privé, est engagée dans une rationalisation, une taylorisation qui brouille la spécificité des tâches entre les exécutants et les cadres. La fonction publique a engendré dès lors de nombreux « bullshit jobs » notamment chez les cadres de catégorie A qui ont entraîné démotivation, perte de sens, dépression, « malaise » pour reprendre le terme convenu. La préoccupation du risque psycho-social intégré dans les politiques de ressources humaines montre bien que la gestion du mal-être fait partie intégrante de la vie de l’agent.

Le nouveau public de la fonction publique 

Les fonctionnaires sont l’interface entre l’Etat et un public, qui a changé au rythme du changement de peuple qui s’opère. La colère des policiers, des enseignants est toujours exprimée par le filtre syndical se résumant ainsi à un manque de moyens. Or, le mal vient de plus loin. L’immigrationnisme forcené des politiques publiques de ces 40 dernières années, la soumission au diktat imposé par la société liquide, l’ensauvagement social viennent heurter de plein fouet la fonction publique. Cette situation est d’autant plus tragique que ces politiques publiques irresponsables ont été menées avec zèle par des fonctionnaires qui en ont facilité l’exercice et qui en ont brimé la contestation. La fonction publique paie aujourd’hui le prix de son incurie et de son irresponsabilité passée. Pire, elle est dans une schizophrénie idéologique tragique, particulièrement à l’heure actuelle. Elle est dans une culture de l’ouverture, de l’inclusion, happée par le culte de l’Autre et promeut une culture post-68 par le truchement de ses cadres les plus influents. Parallèlement, la fonction publique se heurte, la première, au mur du réel, dont elle a l’intuition mais qu’elle refuse de traduire en mots et par conséquent en actions. Elle commence à avoir des questions mais son logiciel intellectuel ne lui permet pas d’apporter de réponse. Alors elle subit, intériorise, elle est littéralement déchirée entre ses appétences idéologiques et ce qu’elle voit tous les jours.

Certains corps de métiers sont particulièrement exposés à ce changement de population.

Les policiers se retrouvent devant des publics ouvertement hostiles dans les quartiers sensibles et n’osent plus entrer dans ces lieux soumis à la délinquance et à l’islamisation. Les consignes de non intervention données par certaines préfectures sont ressenties par le peuple français comme un abandon, une rupture du contrat social selon lequel la liberté naturelle est abandonnée pour assurer la sécurité de tous. Nargués par des petits délinquants qui ont intériorisé la faiblesse et la couardise de L’État, les policiers sont tenus à l’inaction ce qui engendre colère et frustration. Ils se sont engagés pour assurer la protection de leur concitoyens au nom de la France, et voient les délinquants grignoter chaque jour un peu plus de territoire, affirmer un peu plus leur domination sur tel ou tel territoire qui n’a plus rien de français. Être policier, c’est assister impuissant à la perte du territoire à la défense duquel ils s’étaient pourtant engagés. On s’étonne ensuite qu’il y ait de la colère.

Les enseignants sont aussi particulièrement exposés à cette agression de la nouvelle colonisation. Cette colonisation s’est manifestée par les changements progressifs des programmes qui orchestrent l’amnésie de la France, le renoncement à la culture, à la mémoire, à l’analyse. L’école inclusive met dans un vocable volontairement commun l’enfant handicapé, l’étranger, le migrant pour perpétuer l’aveuglement sur les effets délétère d’une école s’adaptant de plus en plus aux mœurs allogènes dans certains quartiers. Les enseignants assistent à cette déculturation organisée. Nombreux en sont complices mais d’autres en ressentent une souffrance terrible et un sentiment d’impuissance grandissant.

La fonction publique est une creuset de la politique altérocrate menée par un État soumis au remplacisme global. Voilà le cœur du malaise dans la fonction publique. La question des moyens souvent évoquée n’est qu’un masque pour poursuivre l’illusion d’une identité heureuse. Allons-nous longtemps nous bercer de ce récit ?

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