Europe, Lecture

Européen d’abord, Essai sur la préférence de civilisation par Jean-Yves LE GALLOU

UnknownLe livre de Jean-Yves LE GALLOU est avant tout un cri, une injonction même, Européen d’abord. Ce singulier, énigmatique, éloigne le titre d’un slogan politique où le pluriel serait de rigueur. Le sous-titre, lui, pose le concept central du livre et son ambition :  Essai sur la préférence de civilisation.

L’ouvrage est d’abord un voyage dans l’histoire européenne, plus exactement dans une aventure commune narrée comme une épopée. L’auteur nous plonge dans un monde héraclitéen où Polemos préside à l’ordre cosmique du monde : « 53. La guerre est père de tout, roi de tout, a désigné ceux-ci comme dieux, ceux-là comme hommes, ceux-ci comme esclaves, ceux-là comme libres. » L’histoire des Européens s’est constituée en effet par tensions comme le montre brillamment l’auteur au chapitre 13 sur l’ « histoire bataille » commune : entre l’Occident et l’Orient, entre l’Europe chrétienne et l’Islam, entre L’Europe et le Nouveau monde. L’histoire est montrée dans sa dimension tragique, le tragique étant la condition de surgissement du héros, de la noblesse et de la grandeur. Le récit est parsemé de ces moments critiques où l’Europe menaçant ruine se relève dans des alliances parfois inattendues, des éclairs de génie militaire, une envie tout simplement de ne pas mourir. Le créateur de la remarquable fondation Polémia nous montre que Polemos est structurant dans la vie des civilisations et que nier le tragique, nier l’affrontement est se condamner à l’oubli de soi et à la disparition.

Une épopée n’est possible que lorsqu’une civilisation s’appuie sur un socle solide. Jean-Yves le GALLOU nous rappelle l’attachement européen à la liberté, la vraie, pas le caprice individualiste et matérialiste, mais la culture collective de la liberté de pensée notamment à travers l’invention du premier Parlement en Islande en 930. Il évoque au chapitre 7 un point fondamental à mon sens qui fait véritablement le génie européen : la civilisation de l’incarnation. L’incarnation préside à la mimésis, l’imitation de la nature, fondement de l’art européen. L’incarnation est le lien entre le mythique et l’historique, le profane et le sacré. Cette liaison des deux ordres – l’ordre de la nature et de la grâce dirions-nous – est le propre de l’art européen, de la politique européenne, notamment sous les régimes monarchiques. C’est ce qui nous distingue profondément de la civilisation islamique comme le dit très justement Jean-Yves LE GALLOU.

Le refus de la représentation est un des syndromes désastreux de la postmodernité dans un funeste écosystème culturel, artistique, économiques et politique.

Ce refus global de l’incarnation participe, nous semble-t-il d’un mouvement culturel d’ampleur qui relève du gnosticisme où le monde est vu comme une souillure, le corps comme une prison, la forme même comme une déchéance. A partir de là, on peut tout faire avec les corps : les tatouer, les supprimer lorsqu’ils n’ont pas encore de « conscience », les violenter, les oublier comme en attestent le nombre croissant des crémations. L’oubli du corps participe de l’oubli de la mort comme le montre l’auteur dans le superbe chapitre 17 (« Nos rites : de la décivilisation à la recivilisation ») : il est le miroir de la corruption de la chair que les hommes veulent fuir. La virtualisation et la dématérialisation de l’économie spéculative est une autre manifestation de cette désincarnation : oubli de la chose, de l’économie réelle, effets-prix complètement déconnectés de l’offre et de la demande, spéculations diverses, irrationalité des choix économiques.  Et enfin que dire de la désincarnation terrible de l’esthétique dans le « non-art » depuis 1917. A ce sujet, il existe une alliance objective entre toutes ces désincarnations et la fascination pour la religion interdisant la représentation. C’est à mon sens un des facteurs de pénétration de l’Islam dans notre société. L’Europe doit, à tous les niveaux, renouer avec l’incarnation, l’Incarnation dirions-nous, qui manifeste l’essence de l’esprit européen.

Là se situe l’autre dimension de cet ouvrage. Un itinéraire dans la postmodernité décadente à cause de laquelle l’Europe n’est plus que l’ombre d’elle-même : américanisation, artificialisation, désincarnation, désaffiliation, culte irrationnel de l’ouverture. Pour cela, l’Europe, dans une démarche suicidaire, a créé tous les instruments institutionnels pour assurer sa propre disparition : un endettement qui la rend poreuse à toutes les influences, une démocratie en carton-pâte qui la laisse sous la coupe de la superclasse mondiale, la tyrannie de l’État des droits communautaires réduisant l’État de droit à un fantôme, l’omnipotence consécutive des juges qui ne disent plus simplement la loi mais la co-construisent voire la font à travers le droit jurisprudentiel. Impossible de ne pas songer, en lisant Européen d’abord au monstrueux Léviathan, labyrinthique et technocratique de l’Union européenne, miroir inversé de l’esprit européen que Jean-Yves LE GALLOU veut réveiller en nous. A travers la passoire Schengen, le libéralisme mondialiste de la majorité de ces commissaires, à travers son administration pléthorique, son fonctionnement institutionnel rendant presque impossible toute diplomatie, toute politique de défense, toute incarnation politique, l’Union européenne transforme l’Europe en son contraire. Elle met en musique le consentement des Etats au Grand remplacement, évident pour qui entrouvre les yeux. Elle est le vecteur du remplacisme global qu’évoque Jean-Yves LE GALLOU en citant Renaud CAMUS.

Européens d’abord – et c’est à mon sens l’apport essentiel de l’ouvrage – place l’action politique au niveau de la civilisation. Il place le curseur politique à l’endroit où agissent les mondialistes, les déconstructeurs de civilisation.  Il écarte de fait la politique-excel, la politique gestionnaire qui est l’alliée objective de la superclasse mondiale et qui nous place en situation de proie. Nous sommes les héritiers d’une civilisation cinq fois millénaire.

Il y a deux camps clairement identifiés : il y a ceux qui veulent nous plonger dans une civilisation mercurienne fondée sur le remplacisme global et la société liquide, faite d’ouverture, de communication, de slogan verbeux, de « bobards », de matière et de consommation. C’est la civilisation de l’homo economicus, de l’homo festivus, de l’homme sans qualités, liquide, amnésique, la civilisation de l’ensauvagement de la culture et de la technicisation du sauvage.

Et il y a ceux qui veulent réconcilier l’homme avec le foyer, (« Hestia »),  avec la nature – pas celle des écolos -, avec l’équilibre et l’harmonie, la profondeur de la terre et la mémoire, la hiérarchie, la verticalité, la préférence de soi au culte destructeur de l’Autre indéterminé.

Jean-Yves LE GALLOU, Européen d’abord,  fait partie de ceux-là. Son livre en est une magistrale démonstration.

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