Le 3 mai, a été publiée une déclaration commune, « Pour une mobilisation mondiale contre le virus » signée par Giuseppe CONTE, Emmanuel MACRON, Angela MERKEL, Charles MICHEL, Président du Conseil européen, Erna SOLBERG, Premier ministre de Norvège, et Ursula VON DER LEYEN, Présidente de la Commission européenne.
Le communiqué est assez classique dans son contenu puisqu’il s’agit de faire un appel aux dons, le 4 mai, pour un montant de 7,5 milliards d’euros. C’est en même temps une exhortation assez banale à la solidarité internationale qui a singulièrement fait défaut puisque chacun y est allé de sa partition face à la crise du Covid-19, y compris à l’intérieur de l’Union européenne.
Banale en apparence seulement car l’appel aux dos se transforme très rapidement en déclaration à la fin du texte.
C’est un moment déterminant pour la communauté mondiale. En nous mobilisant aujourd’hui autour de la science et de la solidarité, nous semons les graines d’une plus grande unité demain. Guidés par les objectifs de développement durable, nous pouvons repenser le pouvoir de la communauté, de la société et de la collaboration mondiale, afin de nous assurer que personne ne soit laissé pour compte.
Ce dernier paragraphe contient de nombreux signaux faibles inquiétants sur l’avenir de la mondialisation.
Le paradoxe du reste est assez savoureux. La crise du coronavirus a pourtant révélé de nombreuses failles :
- une mondialisation dérégulée laissant circuler librement, les biens, les capitaux, les personnes … et les virus ;
- une division internationale du travail conduisant à la désindustrialisation progressive de certains pays européens – dont la France – , les laissant ainsi désarmés dans le traitement préventif et thérapeutique du Covid-19 ;
- un sans-frontiérisme béat, un moralisme cosmopolite inconsistant dont les étrangers eux-mêmes ont montré l’inanité, en demandant pour certains l’autorisation de revenir chez eux. D’autres, Français de papier, demandant à être enterrés « chez eux » en cas de décès. Nous avons eu, pendant quelques jours au début de l’épidémie et du confinement – moment psychologiquement le plus complexe de cette crise – une impression de désertion, d’un mouvement centrifuge assez désagréable qui révélait de fait clairement les attachements de certains à la France…
Or, nous avons redécouvert, dans le confinement, malgré son caractère foncièrement tragique, le sens du chez soi (« Restez chez vous ! »), de la frontière, de la famille qui est redevenue un point d’ancrage fondamental. Les campagnes gouvernementales ont d’ailleurs tout fait pour montrer le caractère menaçant et criminogène de l’espace familial en l’abordant sous le prisme des « violences intra-familiales »… Sans succès, car s’imposent assez clairement au cœur même de cette crise une revalorisation du familial, du local, du proche. Le principe de proximité, de préférence française, a semblé un moment l’emporter dans le cœur des Français sur le goût de l’ailleurs, sur la préférence maladive de l’Autre, sur les contes de fées dont les héros sont les « réfugiés », les « mineurs isolés ». Les Français ont pu même prendre quelques distances avec le citoyen désincarné de la République, balancé entre son travail, les transports en commun, les « agendas contraints », les votes – celui des municipales, ironie suprême, regretté par tous ! – sa sociabilité externe et diffuse, redécouvrant ainsi leur communauté naturelle, leur foyer.
Moment critique pour l’idéologie mondialiste. Il faut recréer du mythe. C’est le sens à mon avis de ce paragraphe somme toute hallucinant. Sa rhétorique révolutionnaire est assez transparente. La métaphore végétale (nous « semons les graines »), la mobilisation autour de la « science » et de la solidarité », le vocabulaire de la refondation « repenser le pouvoir de la communauté, de la société et de la collaboration mondiale » renouent avec l’ « être nouveau » dont parlait Jean de VIGUERIE dans son l’excellente Histoire du citoyen. La métaphore guerrière dont Emmanuel Macron a usé et abusé lors de son allocution télévisée, quoique mobilisatrice au début du confinement, semble mettre en place un nouveau mythe : celui du citoyen du monde, armé, sommé justement de constituer une nouvelle citoyenneté internationale, combattant le virus comme les septembristes combattaient les aristocrates et les prêtres réfractaires.
La crise, bien réelle malheureusement, du Covid-19 semble de plus en plus utilisée comme une stratégie du choc évoquée par Michel GEOFFROY dans La super-classe mondiale contre les peuples. Il faut, comme Méduse, pétrifier les peuples et le Covid-19 paraît être l’élément déclencheur pour constituer cette « plus grande unité », à petits pas, en vue d’une communauté internationale passant, pour se constituer, par la dissolution des communautés naturelles et des nations. Une grande vigilance va être nécessaire pour ne pas céder aux sirènes d’un cosmopolitisme sous l’égide de la science et de la fraternité d’armes imaginaires…
La citation de Louis PASTEUR au début de la déclaration est intéressante car elle contient cette ambiguité : « La chance ne sourit qu’aux esprits bien préparés ». Placer cette phrase en tête de cette déclaration n’est pas innocent. C’est placer cette « communauté mondiale » sous l’égide de la science et surtout sous l’égide d’un néo-positivisme qui sous prétexte d’objectivité scientifique pourrait être la caution des idéologies les plus néfastes pour l’humanité. La « science » dans ce sens est aussi un mythe : elle découvre des lois de la nature physiques, biologiques, incontestables, mais nous dit parfois, nous prouve même, chiffres à l’appui, qu’il n’y a pas de races, pas de genres. Voir la Science comme un discours unique, garant de la vérité, serait inquiétant. Sans compter que ce que l’on appelle la « Science » n’est justement pas la seule science… On se plaît dans le monde postmoderne à mettre de côté ces autres sciences qui nous disent beaucoup sur ce que sont les choses…
De surcroît, l’acception scientifique que donnait Pasteur à cette phrase semble légèrement détournée de son contexte. Que sont les « esprits bien préparés » dans l’esprit des signataires ? A quoi doivent-ils être préparés ? Autant de question qui ne laissent d’inquiéter et qui montrent que l’idéologie mondialiste n’est pas prête de s’avouer vaincue. Elle serait même en train de marquer des points supplémentaires si nous lui abandonnons du terrain…