Lecture

Notes sur La nouvelle guerre des mondes de Michel GEOFFROY

Michel Geoffroy a publié au printemps 2020 La nouvelle guerre des mondes qui fait suite à l’excellent La Superclasse mondiale contre les peuples publié en 2018.

Le titre (La nouvelle guerre des mondes) vient secouer le lecteur occidental dans ses certitudes : celle, tout d’abord, de vivre dans un monde postmilitaire, ordonné à la paix perpétuelle conformément à l’idéal du cosmopolitisme et des Lumières. Celle, ensuite, de vivre dans un monde unique, unifié par l’idéal postmoderne et le progressisme, suffisamment standardisé pour assurer la pérennité de la fin de l’histoire.

Mais voilà, la machine Occident est grippée et Michel GEOFFROY nous invite à observer les pièces usées de cette machinerie technocratique dont l’obsolescence n’était pas forcément programmée.

A l’ « Empire par invitation » américain (Geir Lundestad) sous le giron duquel s’est placée l’Europe occidentale, succède un monde polycentrique qui démonte et démode le « credo libéral/libertaire et cosmopolite ». Les « valeurs » du progressisme semblaient être destinées à s’étendre et gagner toute la surface du globe entraînant toutes les civilisations dans une conformation standardisée sous la bannière de l’ « American way of life ». Mais le monde postmoderne est aussi et surtout un monde postoccidental, marqué par la résurgence des aires civilisationnelles repérées par Samuel HUNTINGTON dans The clash of civilizations (1996). Ces aires civilisationnelles sont en concurrence dans une sorte de darwinisme international : l’Occident, la partie orientale de l’Eurasie, la Chine, l’Islam essentiellement.

Sans détour, Michel GEOFFROY affirme que nous sommes entrés dans une quatrième guerre mondiale, géoéconomique (États-Unis / Chine) autour d’une dédollarisation progressive, énergétique (nouveaux nationalismes pétroliers et gaziers), migratoire, les mouvements humains étant utilisés comme une arme (Erdogan, passé maître en la matière…). Cette guerre à fleurets mouchetés, froide, peut devenir chaude dans la mesure où la prolifération nucléaire, la multiplication d’acteurs internationaux, consécutive au monde polycentrique, créent des effets d’asymétrie et des risques d’emballements ou de mésinterprétations sur les intentions de chaque acteur.

Michel GEOFFROY montre avec pertinence le déplacement géostratégique du centre de gravité mondial. La thalassocratie atlantique (les États-Unis, l’Union européenne, l’OTAN) est marquée par un déclassement historique au profit d’une sphère continentale, le heartland eurasiatique, qui attire toutes les convoitises et place la Russie et la Chine au coeur des stratégies géopolitiques. Cette place centrale s’est affirmée depuis 10 ans notamment avec le retour de la Crimée dans l’orbite russe en 2014, le rôle de la Russie au Moyen-Orient depuis 2015, les nouvelles routes de la Soie de la Chine.

Ce déplacement des enjeux géopolitiques de l’Atlantique vers le Pacifique ne signe-il pas la périphérisation de l’Occident ? Michel GEOFFROY dresse un tableau sombre mais réaliste de l’affaiblissement tragique de l’Occident : des États occidentaux multiculturels, multiconflictuels donc, entraînés dans une addiction à la dette, un « hiver démographique », des migrations incontrôlées qui viennent dissoudre les identités, la continuité historique des peuples indigènes. Un Occident guidé par les valeurs mortifères de l’oligarchie reposant sur un matérialisme desséchant, une despiritualisation de tout, un relativisme fondamentalement nihiliste qui rend impossible tout accueil car il n’y a paradoxalement plus d’oikos, d’ici…

Michel GEOFFROY n’en reste pas à ce constat accablant et envisage des solutions. Il écarte d’abord les fausses solutions, notamment le retour aux souverainetés nationales et acte, à cette occasion, au grand désespoir de l’auteur de ces lignes, « l’échec politique des partisans la monarchie en France », nostalgiques « d’un passé révolu ». Or, la monarchie me semble précisément répondre aux maux soulevés par Michel GEOFFROY : une réponse au remplacisme global par la conduite de la France par l’irremplaçable par excellence, la garantie d’une continuité historique par la légitimité, les distances avec les États-Unis nés – l’auteur le dit lui-même – d’une révolution « ´de gauche ´ contre la Vieille Europe », l’acceptation d’un polycentrisme non universaliste, la culture monarchique des alliances européennes, la « civilisation de l’incarnation » que l’auteur appelle de ses voeux et que le Roi incarne justement plus que tout autre à mon sens…

Michel GEOFFROY propose à juste titre un « humanisme différentialiste » nous préservant de la dé-civilisation américaine et islamiste, une « écologie des civilisations » distinguant l’ici, l’ailleurs, les nôtres et les autres, une confédération d’Etats fondée sur la subsidiarité qui permettrait d’atteindre une taille critique à même de faire face à la Chine, aux États-Unis, et ce autour de l’identité européenne.

Cet essai, stimulant, offre un diagnostic clair, sans appel, et a le mérite de réinterroger, de manière critique, la notion d’Occident, notre « dormition », notre zone de confort post-1945, qui n’est plus que génératrice de nihilisme, d’intranquillité, de soumission à l’Amérique, à l’Islam. Michel GEOFFROY nous invite à reprendre notre envol !

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