Chroniques, philosophie

Sortir du davoscène !

Nommer une période, c’est déjà en sortir un peu. C’est caractériser sa matrice, discerner sa logique interne, ce qui lui permet de se déployer dans l’histoire, c’est tenter de la mettre à distance pour poser les bases de temps nouveaux. Accoler le suffixe « -cène » – caractéristique des ères géologiques – à Davos pourrait paraître quelque peu cavalier. Au delà de la boutade, il y a une intention : montrer la dimension essentiellement révolutionnaire de l’ère de Davos, non celle qui naît de Davos elle-même en 1971 mais celle qui relève de ces principes, de sa conception anthropologique, de sa philosophie sociale, de ses principes économiques dont le Great Reset (la grande réinitialisation) semble être le point le plus abouti . Or si nous voulons sortir du davoscène, ce sont de ces principes qu’il faut se libérer en essayant de dater le plus précisément possible les jalons cette ère funeste.

La Grande réinitialisation est lancée le 3 juin 2020 par le Prince CHARLES et Klaus SCHWAB, le fondateur du Forum économique mondial de Davos en 1971, qui réunit chaque année des dirigeants de grandes entreprises, des décideurs politiques, des intellectuels, des journalistes pour débattre des problèmes les plus urgents de la planète. 

 Le davoscène, c’est d’abord l’ère du remplacement des peuples historiques

Le Great reset porte un objectif majeur : une « gouvernance mondiale » qui transcende les nations, animée par un projet quasi messianique : réaliser l’unité de l’humanité en détruisant les particularismes régionaux, nationaux, linguistiques, culturels, ethniques et spirituels. Il s’agit d’absorber toute l’humanité dans une identité indifférenciée : le métissage, l’hybridation favorisés par les flux migratoires et l’idéologie trompeuse de l’intégration qui a été le masque trompeur du remplacement des peuples européens par les peuples africains et moyen-orientaux. Le pacte des Migrations de l’ONU en décembre 2018 a servi de test pour voir le degré de soumission des peuples et des médias qui n’ont pas le moins du monde réagi à cet appel international à la submersion et à la liquidation totale de l’Occident. Cet idéal d’humanité universelle et indifférenciée nous ramène au pacifisme post-1945 et à l’idéal post-militaire de l’ONU et de la Charte de San Francisco du 26 juin 1945. Mais c’est aussi l’idéal paneuropéen de Richard COUDENHOVE-KALERGI qui dès 1922-1923 après la conflagration traumatique de la Première guerre mondiale considère que la paix est au-dessus de toute valeur, que, pour cette raison, la souveraineté dite « illimitée «  des Etats doit être limitée, que le modèle confédéral doit être adopté pour réduire les identités nationales à leur plus basse intensité, sur le modèle de la Suisse, terrain privilégié du modèle politique postmoderne alors que, paradoxe savoureux, elle s’en protège habilement. C’est au XVIIIème siècle qu’il faut aller chercher l’acte de naissance de cet idéal fusionnel d’une humanité qui résout chez KANT son « insociable sociabilité » dans L’idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique publié en 1784. Le point saillant de l’ouvrage est l’avènement d’une géopolitique de la paix militaire assurée par le transfert de la guerre du champ de Mars au champ économique, ce qui suppose libre circulation des biens et des hommes, des idées sans attache civilisationnelle. La mise en forme dans un grand organisme sera effectuée par la Société des Nations en 1919 et par l’ONU qui ouvrent la voie à une conception synarchique du monde et à une approche transnationale des questions politiques. L’Etat, l’enracinement civilisationnel doit laisser sa place à une transnationalité assumée et organisée par des institutions bien connues aujourd’hui comme l’Union européenne, fer de lance de ce remplacement civilisationnel. 

Le davoscène, c’est ensuite l’ère de l’automatisation et de la numérisation

L’automatisation de l’homme est amorcée par LA METTRIE au XVIIIème siècle pour lequel L’homme machine(1747) n’est qu’un prolongement de l’animal-machine de DESCARTES. L’esprit, dans un matérialisme clairement assumé, n’est qu’une organisation sophistiquée de la matière et tout dualisme âme-corps est rejeté au profit d’une désacralisation intégrale de l’homme. Le XVIIIème demeure le siècle de la désacralisation et le travail de déchristianisation entrepris pendant la Révolution de 1789 et sous la Terreur relève de cette triste entreprise : rejeter toute idée de Dieu au profit d’un nouvel homme, une machine qui se fond dans l’industrialisation naissante et qui fait corps avec elle. 

Ce destin partagé entre l’homme et l’industrie va trouver son expression la plus complète dans le taylorisme en 1911, autre date importante du davoscène. Dans The Principles of scientific management TAYLOR ouvre la voie à un séquençage des tâches effectuées par les ouvriers, un séquençage fonctionnel et un séquençage temporel, ce qui va donner un sens nouveau au concept économique de productivité. Il s’agit dès lors pour l’homme d’effectuer une mimesis de la machine. Les six fonctions essentielles de l’entreprises définies par l’industriel français Henri FAYOL dans L’administration industrielle et générale (1916) contribue à rationaliser l’organisation de la production et à faire émerger le management tel que nous le connaissons. L’homme devient une ressource dont les forces productives doivent être allouées d’une manière optimale. L’organisation entrepreneuriale est une machinerie dont les hommes sont des rouages d’importance diverse, contribuant chacun à sa place – FAYOL y tient – au fonctionnement de l’ensemble. 

Les fonctions clairement séparées chez FAYOL, que ce soit dans les organisations publiques ou privées, se sont floutées en raison d’une bureaucratisation accrue et d’une dérive délétère du management par objectifs. A mesure que la formulation des objectifs se complexifient et s’ « intellectualisent » dans un jargon managérial souvent comique, les tâches, elles, se sont dépouillées de leur réflexivité : la fonction d’encadrement, pensée par FAYOL (l’administrateur) se sont elles-mêmes abaissées pour devenir des tâches d’exécution améliorées comme si l’initiative intellectuelle n’avait plus de place dans un monde ordonnée à l’automatisation des tâches, à l’optimisation du chiffre et à la technocratie. 

La numérisation et la quatrième révolution industrielle impliquées dans le Great Reset s’inscrivent dans cette logique. Le cerveau n’est plus tant individuel que « collectif » comme nous le ressassent les chantres du globbish et les start-upers. Cette liquéfaction des fonctions entrepreneuriales conduit à un écrasement par la sous-qualification – notamment de l’encadrement – et à une spécialisation accrue, qui renoue avec cette machinisation de l’homme. Tout le monde fait tout et n’importe quoi car l’organisation scientifique rigide n’est plus adaptée à une humanité liquide et aux aléas de son parcours professionnel (infidélité, fluidité des horaires). Le monde du travail, à la rhétorique bien huilée de l’initiative, de l’intelligence et de la connectivité, reste schizophène : beaucoup d’entreprises parlent « agilité », « distanciel », « fluidité » mais restent dans l’attente du présentiel, du stable.

Or, de ce point de vue, la crise sanitaire se présente comme un Kairos pour la Grande réinitialisation voulue par Davos. Klaus SCHWAB avertit : « (…) certains dirigeants de l’industrie et certains cadres supérieurs peuvent peut-être d’assimiler la réinitialisation à un redémarrage, dans l’espoir de revenir à la normale et de restaurer ce qui a fonctionné dans le passé : des traditions, des procédures éprouvées et des façons familières de faire les choses. En bref, un retour aux affaires « comme d’habitude ». Cela n’arrivera pas parce que cela ne peut arriver ». La Grande réinitalisation est une disruption qui passe des mots aux faits. Il s’agit de conserver les mesures de distanciation sociale et physique pour accélérer l’éparpillement des hommes et favoriser l’automatisation de secteurs jusque-là préservés. La minimisation des contacts étroits a une conséquence économique évidente : l’amazonisation de l’économie dans des secteurs comme la restauration, les commerces de détail, le divertissement. Cette nouvelle organisation nécessaire va créer une disruption dans l’offre économique et une virtualisation accrue, le tout organisé par une économie de réseaux, immatérielle, créant de nouveaux métiers. Cet univers se rapproche singulièrement d’une dystopie. C’est un univers proche de celui de LEIBNIZ constituées de monades (les individus) reliées entre elles par une intelligence artificielle et numérique (le réseau des commandes, des services) dans une sorte d’harmonie universelle. Le paradoxe d’un nomadisme virtuel accéléré sur fond de sédentarité accrue. Le problème majeur dans ce cas de figure est anthropologique. Pour KANT, l’homme est animé d’une « insociable sociabilité ». Ce n’est donc pas un problème car cette organisation du monde va lui permettre de combiner l’insociabilité de la distance avec la sociabilité du réseau. Mais si l’on considère avec ARISTOTE que l’homme est « naturellement sociable », cette virtualisation de la sociabilité projetée par Davos est proprement contre-nature et pourrait avoir des impacts désastreux sur notre humanité même.

Le davoscène, c’est la grande représentation

Le davoscène, c’est la scène du politique. Et n’allez pas m’accuser de « complotisme ». L’impuissance du politique est orchestrée au vu et au su de tout le monde. A propos du Cercle de Bilberberg, François Fillon confie à Philippe de VILLIERS dans J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu : « Nous n’avons pas le choix : ce sont ces gens-là qui nous gouvernent ». Par cette simple déclaration, François Fillon déploie expressément toute la profondeur de la scène médiatico-politique, des spectateurs aux coulisses. Cette métaphore théâtrale a déjà été amplement utilisé par l’excellent livre de Pierre MUSSO, le Temps de l’Etat-entreprise. Le théâtre fait partie du politique c’est incontestable car l’essence du politique est aussi faite de symbolique, de charismatique, de visuel, de spectacle.  Mais, le politique traditionnel est l’auteur de sa pièce et des illusions qu’il crée. Dans le davoscène tardif si je puis dire, le politique est l’illusion lui-même. Il habite la scène mais tous ses gestes sont réglés, ses paroles sont écrites par des Cercles, des réseaux, des idéologies qui le traversent et dont il va exprimer au besoin les paradoxes et les apories. Emmanuel MACRON est de ce point de vue emblématique du politique du davoscène. Le « En même temps » est ce point de converge a-politique par excellence, qui se laisse travailler par tout et son contraire : l’islam aujourd’hui, les LGBT demain, les propriétaires, les locataires, les policiers, les juges, etc. Le davoscène, c’est l’ère de l’impolitique, de l’Etat absorbé par l’Etat des droits, du politique submergé par le conflit des individus-monades qui viennent réclamer leur dû. C’est l’aboutissement du processus initié en 1789. C’est l’impossible politique. Alors, il faut surjouer le politique. C’est ce qui s’est passé pour les Gilets Jaunes il y a exactement deux ans. C’est ce qui se passe pour les contrôles des protocoles sanitaires, le contrôle des attestations, le contrôle des fermetures des commerces, le contrôle de l’absence de culte catholique. Il faut assurer le théâtre de l’ordre dans une société où le peuple allogène fait sécession et ne respecte aucunement les lois, les mœurs, non seulement de la République mais surtout de la France. Alors que la seule politique possible est le traitement volontariste de la sécession dont la France est la victime expiatoire, le théâtre de l’ordre est assuré pour maintenir l’illusion d’un Etat fantôme, et pour satisfaire les spectateurs de l’autre peuple, le peuple « français » de plus en plus nombreux et de plus en plus prêt à en découdre. Pire, la France du davoscène tardif, c’est une tyrannie de plus en plus évidente pour le peuple indigène livré et une démocratie de plus en plus « inclusive » pour le peuple allogène, le tout regroupé sous le vocable mensonger de « Français ».

Le davoscène, c’est de fait le Grand mensonge, le grand silence sur la déseuropéanisation du monde. C’est la Grande dépression.  

C’est la construction d’une logique en marge du réel, ce que Renaud CAMUS appelle si justement le « Faussel ». Le déploiement de cette logique que l’on peut appeler « politiquement correct », « cercle de la raison », « valeurs républicaines » est de l’idéologie destinée à fragiliser l’Europe historique et à laisser place à d’autres civilisations.  Notre renoncement prépare notre effacement face à l’Asie et en particulier la Chine et à l’Islam. L’invasion économique de l’une et l’invasion spirituelle de l’autre sont entretenus par cette idéologie sacrificielle. Si l’Europe est, sur le plan hsitorique et économique, engagée dans le cercle infernal de la dette (dette financière à l’égard de créanciers, dette historique à l’égards des peuples supposément martyrisés par la colonisation) c’est parce que nous acceptons de fabriquer nos propres chaînes par un masochisme politique et civilisationnel assez mystérieux. 

La dépossession de l’Occident par lui-même organisée par les médias, l’université sous influence américaine, les élites mondialisées, crée une dépression civilisationnelle et individuelle qui ne peut être passé sous silence. Si 20% des Français sont de près ou de loin touchés par l’anxiété ou la dépression, si la consommation de médicaments pour troubles psychologiques augmente de 17% par rapport à 2019, il est évident que l’idéologie de la dépossession à l’œuvre en Occident y est pour quelque chose et ne peut manquer d’affecter les personnes. Le davoscène est l’ère de la névrose, de la dépossession de soi. La transposition de la culpabilité théologique à la culpabilité économique (l’économie spéculative qui pousse à l’endettement), historique (le mouvement décolonial) et psychologique (FREUD et le travail de sape de la psychanalyse) a entraîné une fatigue de vivre inquiétante en Occident.

Le davoscène est tout simplement l’ère de notre propre disparition. Il faut sortir de sa matrice : individualisme, virtualisation, culte de la dette, déseuropéanisation, culte de l’Autre, dépossession de soi. Il faut d’abord sortir du cadre de pensée que nous ont imposé les quelques auteurs, penseurs que j’ai cités dans le présent article, à l’exception de Renaud CAMUS bien entendu qui justement offre un diagnostic sans faille sur la tragédie que nous connaissons. Pour en sortir, il me semble opportun de prendre le contrepied de chacune des voies empruntées par le davoscène. Entre autres mais ce n’est pas exhaustif  : 

Renouer avec notre histoire, avec les figures saintes et héroïques qui donnent une force inouïe lorsque nous vivons, pensons avec elles. Renouer sans faiblir avec notre langue par une éducation qui prenne l’exact contre-pied de l’abrutissement moralisateur que subissent nos pauvres enfants.

Repenser la conception du politique en déchirant le voile d’illusion de la « davocratie » et retrouver une figure qui incarne la volonté politique, qui renoue avec la part sacrée et charnelle de la France. La figure du Roi me semble de ce point de vue s’imposer.

Restaurer un peuple ! On ne peut nommer « Français » ceux qui veulent détruire la France. On ne peut nommer « Français » ceux qui veulent la conquérir et y importer d’autres mœurs, d’autres lois, d’autres imaginaires, d’autres paysages. Ces intrus doivent se voir indiquer la sortie par un Frexit sélectif…

Rebâtir nos alliances : acter la fin de l’Occident post-45, pur produit du davoscène et casser définitivement la logique archaïque de la guerre froide. Reconstruire une alliance entre l’Amérique, l’Europe, la Russie et faire bloc contre l’Islam, la force conquérante aujourd’hui et la puissance économique asiatique à laquelle il convient de résister. 

Quel travail nous attend ! Nous ne devons pas faiblir maintenant. La France, la pauvre France, humiliée, assiégée, a décidément besoin de tous ceux qui veulent se battre pour elle… Il faut résolument sortir du davoscène !

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