La crise de l’école est patente. La culture de gauche qui imprègne l’Education Nationale a horizontalisé les rapports maîtres-élèves, détruit la confiance au système par un égalitarisme mensonger auquel plus aucun acteur de la communauté éducative ne croit vraiment. Pour retrouver la confiance au système scolaire et recréer les conditions de l’apprentissage, cinq pistes me semblent devoir être étudiées.
Rétablir l’autorité du maître
Pour débarrasser l’école de son atavisme gauchiste et soixante-huitard, il convient de restaurer d’urgence cette figure symbolique et fondatrice qu’est le maître. Il faut repyramidaliser l’école. Pour cela, il convient de commencer par de défaire d’une idée qui a été désastreuse pour la crédibilité et la viabilité de l’école. : celle qui consiste à dire que l’école est un lieu de vie et de démocratie. L’école n’est en rien un lieu démocratique. Les conseils de vie lycéenne et maintenant collégienne singent stupidement une démocratie aussi vide qu’inutile qui contribue à dissoudre la relation pyramidale qui unit l’élève et son maître. L’école est un lieu où s’exerce une législation d’exception : les accès sont contrôlés et juridiquement encadrés, le règlement de droit commun est précisé par un règlement intérieur spécifique et restrictif. Dans les salles de classe elles-mêmes, il faut réintroduire l’ordre et le silence sans lequel tout apprentissage est impossible. Sans doute convient-il dans chaque établissement – et en particulier dans les REP ou REP+ – de réformer le corps des conseiller principaux d’éducation pour les transformer en unité d’intervention destinée à punir en temps réel l’élève récalcitrant. Le rétablissement de l’ordre est une condition nécessaire à tout apprentissage. La pédagogie et la prévention qui ne prévient rien interviennent une fois que l’ordre a été imposé.
Uniformiser les élèves pour valoriser les qualités intrinsèques de chacun
Pour aider les élèves à retrouver le sens de la discipline, l’uniforme est un moyen qui a du sens. Il s’agit sur le modèle du service militaire de réuniformiser l’apparence physique des jeunes gens pour qu’ils cultivent les spécificités de leur esprit. L’uniforme contribue à éliminer les éléments différenciants entre les élèves qui viennent parasiter l’apprentissage comme les vêtements, les accessoires ou les objets connectés. La popularité des élèves et donc leur mieux être est parfois dû à ces éléments exogènes à l’apprentissage et à l’intellect. Il me semble pertinent de supprimer ces facteurs différenciants.
Construire une école de la mémoire
L’école a minoré voire supprimé le travail de la mémoire. On comprend le motif. La mémoire n’a plus à être cultivée dans une société progressiste et matérialiste qui dévalorise l’intellect et qui se fonde sur la dérision. Le culte des nouvelles technologies numériques ont contribué à externaliser la mémoire sous la forme de données consultables en temps réel sur tout type de supports. Mais ces données n’ont qu’une dimension pratique et ne sont que des moyens pour réaliser des tâches pratiques. La mémoire – des grands textes par exemple, des dates, des capitales ou des fleuves – ancrent la personne dans un territoire et une histoire. Elle contribue à sédentariser dans un monde qui voue un culte au nomadisme. Elle donne une profondeur à l’individu dans un monde de superficie et de grandes surfaces comme le dit Patrick Buisson. Dès lors, cultiver la mémoire devient un enjeu civilisationnel car dépouiller l’homme de sa mémoire permet de construire l’homo novus, désincarné, interchangeable, l’individu substituable d’une société marchande dont le présent est la seule valeur. La vraie lutte contre le libéralisme est celle d’une réintroduction active de la mémoire dans les programmes scolaires et ce dans toutes les matières.
Redonner du sens à l’évaluation
De manière plus globale, l’école connaît une crise de l’évaluation. On n’évalue quasiment plus si ce n’est les vagues et creuses compétences car l’élève dans le système actuel n’a quasiment plus de compte à rendre. Obnubilé par les droits, l’école ne sait plus donner de devoirs au sens propre et figuré d’ailleurs. Demander à l’élève de réciter revient à placer l’évaluation du maître dans la sphère du vrai et du faux, sphère que l’école a déserté au profit du construit / non construit, convaincant / non convaincant autant de critères impressionnistes et profondément subjectifs qui viennent décrédibiliser l’évaluation. Le fameux débat sur l’abandon des notes, qui est une réalité dans certains établissements, provient de cette ère du soupçon sur l’évaluation. L’évaluation discrimine, la culture discrimine. Comme l’école, rongée par un égalitarisme pervers, fait de la politique et de la morale plutôt que de la science, elle s’est empressée de détruire des instruments de cette discrimination pourtant stimulante et profondément formatrice. Le grand argument servi par les pédago-démagogues est l’égalité des chances et la « réussite de tous ». Mais le retour d’une évaluation sur la mémoire permettrait justement de revaloriser le travail, l’effort, de donner la chance à celui par son mérite essaie de compenser son défaut de rhétorique ou de débrouillardise. Evaluer c’est produire un discours clair à l’élève, ce que l’école dans son gloubi-boulga et son verbiage ne sait plus faire. Comment dès lors donner aux élèves les repères sur eux-mêmes dont ils ont tant besoin à cet âge ? Pourquoi les corps d’inspection n’évaluent-t-il pas la qualité de l’évaluation. On pourrait très bien imaginer une inspection fondée sur l’analyse des corrections de copie plutôt que d’assister à des messes préparées et répétées sans aucun rapport avec le quotidien des cours.
Repenser l’orientation des élèves et remettre du sens dans les parcours scolaires
Plus d’évaluation, plus de redoublement, plus donc de sanctions d’une année réussie ou échouée pour des raisons comptables selon lesquelles le redoublement coûte cher à l’élève et ne sert à rien pour l’élève qui redouble. On voit là les ravages d’une approche subjectiviste et individualiste des problèmes scolaires. En effet, le message adressé à ceux qui travaillent est désastreux car il démotive et fait perdre ce lien fondateur au travail qu’est la récompense du travail bien fait ou la sanction consécutive à un travail mal fait. L’objectif calamiteux de 80% d’une classe d’âge devant réussir au baccalauréat a placé la statistique au cœur du projet éducatif. En posant ainsi le problème, on s’expose à modifier l’outil d’évaluation pour satisfaire à l’objectif statistique plutôt que l’inverse car dans un cas comme dans l’autre l’objectif est rempli ! C’est ainsi que la machine éducative a été prise dans un mouvement incontrôlable où plus aucune classe ne joue le rôle de sens et où les enfants sont traînés d’une année à l’autre vers cet objectif sans savoir pourquoi. Il semble urgent d’abord d’abandonner officiellement et expressément cet objectif délirant et ensuite, le bon sens retrouvé, de repenser toute notre stratégie d’orientation. Les odes à l’enseignement technique, les psaumes chantés en l’honneur des filières d’excellence du bois ou de la couture relèvent d’une imposture et d’une hypocrisie scandaleuse. Au lieu de former des professionnels dès le plus jeune âge en faisant intérioriser une discipline propre au métier choisi, on laisse les enfants dériver dans des classes bruyantes et ingérables où ils apprennent l’effronterie, l’irrespect et l’irresponsabilité. Une préparation plus que douteuse de la rigueur professionnelle.