Jean-François MILLET, Les Glaneuses, 1857
La disparition de la paysannerie est vue à travers le prisme d’un progressisme technologique considérant que la domination agricole est liée à un âge de l’humanité. SI le phénomène d’exode rural, observable dans tous les pays industrialisés, est plus tardif en France qu’en Angleterre où il commence dès la fin du XVIIIème siècle, il commence en France à partir de 1850. En 1931, la population urbaine passe à 50% et Henri Mendras parle dès 1967 de « la fin des paysans ». Une tendance continue puisque la population agricole passe de 4 millions en 1963 à 900 000 aujourd’hui soit 1.3% de la population. Cette décroissance agricole française est le fait de trois phénomènes majeurs.
L’uniformisation des modes de vie
Les trente glorieuses ont contribué à une uniformisation des niveaux de vie et à un taux de pénétration élevé des équipements dans les foyers. Cette harmonisation des niveaux et des modes de vie transforme les paysans de classe sociale en catégories socio-professionnelle.
La concentration des exploitations
En outre, la promotion de l’agriculture intensive liée à l’exigence d’autosuffisance préconisée par la Politique Agricole Commune a contribué à un phénomène de concentration des exploitations. En effet, on est passé de 1 016 755 en 1988, à 663087 en 2000 pour atteindre 400 000 en 2015. Si les remembrements demeurent encadrés par une préoccupation d’aménagement du territoire, il n’en reste pas moins que la ferme, sous sa forme traditionnelle et socialement structurante, a laissé place à l’exploitation agricole « industrialisée » et concentrée par une mécanisation accrue et des process technologiques dignes du secteur secondaire. Cette harmonisation technologique a dissous les diffférences culturelles et sociales entre le secteur primaire et le secteur secondaire conduisant ainsi à une disparition des solidarités rurales et d’une forme de sociabilité bien spécifique (entraides, culture paysanne commune autour des fêtes et de la langue).
La désaffiliation du monde agricole
Par conséquent, le monde agricole ne s’inscrit plus dans une culture de filiation. L’exploitation passant de père en fils fondée sur l’agriculture de subsistance a laissé place à une entreprise dont il faut assurer la rentabilité et la prospective commerciale, vendable ou achetable par celui qui pourra subvenir aux besoins financiers de l’exploitation. Incontestablement, ce changement de paradigme constitue d’abord la fin du patriarcat agricole avec la coexistence de plusieurs générations dans une même exploitation agricole. Cette solidarité générationnelle, fondamentale dans le milieu paysan, a volé en éclat par l’individuation d’une agriculture qui est devenue un métier et a perdu sa dimension culturelle et civilisationnelle. Du coup, elle n’est plus vecteur d’une sociabilité intergénérationnelle permettant la cohésion de la famille.