La post-modernité a ses mythes. Ce sont ces mythes qui viennent structurer la psyché collective de l’Occident et mettre en danger la cohésion de notre civilisation. Le remplacisme global, sinistrement à l’oeuvre au coeur de toutes les politiques publiques, est la matrice de tous ces mythes. Il les engendre et s’en nourrit dans un cercle vicieux dont seule une réaction intellectuelle et politique pourra nous sortir.
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Le Migrant
Le Migrant est élevé au rang de mythe. Il incarne une épopée que l’Occident, berceau de l’épique, a transféré à l’Autre. La gauche et toute une partie de la droite altérocrate ont érigé le Migrant en icône de la société liquide. Dans un monde dont le destin est de bouger, le Migrant est l’incarnation du nouveau héros, celui qui brave les rigueurs des mers, qui se sacrifie parfois pour atteindre un monde meilleur. L’Aquarius est son vaisseau, symbole, jusque dans son nom, de la société liquide qui ordonne le mouvement aléatoire des hommes, des biens et des capitaux. La fresque du champ de Mars peinte par Saype « Beyond Walls » pour soutenir l’association SOS Méditérranée, est le dernier avatar de cette héroïsation forcenée du Migrant. Figure emblématique du remplacisme global, financé par les mafias, encouragé par les pleutres politiques altérocrates des pays de l’Europe de l’Ouest, le Migrant flatte l’atavisme compassionnel d’un Occident qui a divorcé de la raison.
Il est l’incarnation de l’homme post-national, celui qui traverse et transcende les frontières. C’est le citoyen du monde par excellence qui vient valider le schéma des intellectuels altérocrates pour lesquels les migrations du « Sud » vers le « Nord » – autres mythes géographiques et économiques – sont une nécessité morale et une nécessité historique. Ils ont une lecture qui correspond aux idées chrétiennes devenues folles dénoncées par Chesterton : le Migrant est tour à tour le nécessiteux, le nomade, le desperado que l’Occidental doit recevoir en recréant pour lui, autour de lui l’environnement qu’il a quitté. L’africanisation du quartier Stalingrad à Paris, l’halalisation de nombreux quartiers – quartiers neufs, cités, ou anciens faubourgs des métropoles – traduisent cette fusion dans l’Autre qui laisse proliférer des moeurs, des calendrier, des langues allogènes dans des quartiers qui ne sont plus désormais français. Le Migrant apporte sa patrie avec lui et contribue à dissoudre la nôtre. Mais le Migrant, c’est notre mythe à nous. Lui n’est pas vraiment responsable. Les politiques altérocrates ont ouvert irresponsablement les frontières, les ont même proclamées abolies et ont créé des appels d’air criminels : les associations comme SOS Méditerranée, le Pacte mondial sur des migrations sûres, ordonnées et régulières, le Traité de fonctionnement de l’UE consacrant en sa Patrie II, Titre IV (« La libre circulation des personnes, des services et des capitaux »), ont largement favorisé ce mouvement brownien des migrations internationales, qui ont érigé le Migrant en porte-étendard d’un humanisme droit-de-l’hommiste, internationaliste et sans-frontiériste.
Sauf que pour le Migrant, car il s’agit bien d’une personne, le point de vue est bien différent. Souvent musulman, il s’agit pour lui d’étendre la communauté de l’Oumma et de contribuer à la conquête de l’Occident. Il n’est pas directement un soldat de l’Islam comme le sont les Djihadistes patentés mais il est un peuple nouveau qui va régénérer par l’Islam la spiritualité d’un Occident déspiritualisé. C’est leur mythe à eux. Ces deux mythes se complètent malheureusement et font une alliance objective au service de l’Oumma et en assurant une destruction quasi-certaine de la civilisation occidentale.
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La Volonté toute-puissante
« Non volutum quia bonum sed bonum quia volutum ». Une chose n’est pas voulue parce qu’elle est bonne mais elle est bonne parce qu’elle est voulue. C’est ainsi qu’André de Muralt expliquait la transition vers l’âge moderne dans L’Unité de la philosophie politique : de Scot, Occam, Suarez au libéralisme contemporain.
La question cruellement actuelle de la PMA sans père montre la puissance de ce mythe tenace dans la modernité puis la post-modernité. C’est la volonté d’un individu capricieux qui donne l’ordre du monde. La PMA sans père, stupidement revendiquée par les mouvements féministes et LGBTQI+, obéit à la logique libérale d’une conjonction entre l’offre et la demande. Si le « désir d’enfant » est avéré et cristallise une demande, si l’offre peut y répondre sur un plan médical et technologique, les considérations objectives sur l’équilibre familial, sur la psychologie future d’un enfant privé de la figure structurantes du père, sont balayées d’un revers de main. Le travail d’effacement de la figure paternelle se comprend à la lumière de cette prétention absolutisme de la volonté. Le père est le symbole du donné, de l’antériorité, il est la volonté structurante qui tranche et se substitue à la volonté individuelle de l’enfant avant son âge de raison puis sa majorité. Ecarter le père, c’est délégitimer l’héritage, l »antériorité, c’est permettre d’installer une société de créditeurs, donc une société intégrale de droits, une société structurée par la concurrence des volonté individuelles, capricieuses et souveraines.
Cette tyrannie de la volonté explique l’artificialisation croissante du monde. Le rapport entre l’homme et la nature est pensé en termes de conflit, de rapport de force. Réaliser son humanité, selon l’idéal des Lumières, c’est s’affranchir de la nature par la volonté individuelle : l’industrialisation, le productivisme échevelé, la bétonnisation généralisée, l’artificialisation du corps humain à travers les tatouages et l’homme augmenté révèlent cette rébellion ontologique de la volonté humaine contre la nature, contre ce qui est donné, alors que l’homme est biberonné au culte de l’acquis. L’existentialisme est le point d’aboutissement de cette tyrannie de la volonté : « l’existence précède l’essence » ; « on ne naît pas femme, on le devient ». On est encore aujourd’hui prisonnier de ce schéma de pensée délétère dans la mesure où la nature est pensée comme postérieure à la volonté, au mépris du simple bon sens et de la réalité objective la plus élémentaire.
Ce mythe est désastreux car il consacre une humanité prométhéenne, qui n’est plus guidée que par sa volonté toute puissante sans cadre de référence objectif et solide.
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Le mouvement perpétuel
La société liquide, le libéralisme mondialisé affirme le primat du mouvement sur la stabilité. La stabilité, l’immobilité sont en antagonisme avec le mouvement de l’histoire tel qu’il est défini par le progressisme. Il faut bouger. « En marche ! » disaient Victor Hugo, Rimbaud puis finalement, à bout de souffle et d’inspiration, Emmanuel Macron qui est le parangon de cette mobilité élevée au rang de nouvelle norme sociale. Il s’agit d’un impératif catégorique, d’une injonction.
Le progressisme est la traduction philosophique et politique de ce bougisme maladif issu des Lumières. L’idéologie des Lumières adopte en effet une définition individualiste et matérialiste de la liberté qui est diamétralement opposée à la définition du XVIIème siècle. Est classiquement libre un homme qui cherche ce qui est bon pour lui dans le cadre des lois de la nature. L’égaré devient libre lorsqu’il cesse le mouvement du pèlerin et trouve la vérité stable et éternelle en Dieu. Etre libre c’est rentrer chez soi après un long voyage. Les Lumières définissent la liberté comme mouvement d’émancipation. Etre libre, c’est s’affranchir des lois de la nature par la technique, la raison raisonnante. C’est la possibilité pour l’homme de se libérer des préjugés, de la Tradition, de tout ce qui va entraver la maîtrise de la nature. La liberté c’est voyager hors de chez soi et jamais ne rentrer d’où l’injonction au mouvement perpétuel.
D’où surtout le déclassement de l’éternité au profit d’un culte du Temps. Le Progrès est bien cette action constructive du temps, cette Providence naturalisée, désacralisée qui va conduire prétendument l’humanité vers un monde meilleur. Les Lumières, le positivisme, le marxisme, le scientisme, l’individualisme libéral, tous ces mouvements ont construit pierre après pierre l’édifice d’une société du Progrès. Le tragique en est conjuré. Le mal a du sens. D’un côté, comme dans le marxisme et ses dérivés, il est un instrument de l’histoire pour préparer le bonheur de l’humanité. De l’autre, alors qu’il est agissant et visible de tous comme dans l’individualisme libéral, il n’existe pas et on crée un langage de substitution pour le nier.
Le monde post-moderne est un monde baroque, multidimensionnel, polycentrique et horizontal. La mobilité perpétuelle est le seul mode d’être possible dans un tel univers. Le capitalisme mondialisé y trouve sa matrice : mobilité des capitaux dans la spéculation, mobilité des hommes dans les migrations encouragées par l’ONU et l’OCDE afin d’optimiser l’allocation des compétences, mobilités des biens à travers l’accélération du commerce international, mobilité sociale avec la prétendue méritocratie, mobilité des organisations « agiles »…, mobilité des carrières avec la disparition des vocations et la tyrannie déqualifiante en fait de la « formation continue », mobilité des genres avec le gender et l’invention démesurée d’identités sexuelles, mobilité des frontières ontologiques entre l’homme et la machine avec l’homme augmenté et l’intelligence artificielle …
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Le vivre ensemble
Le vivre ensemble. Le mythe apparaît quand précisément la réalité n’existe plus comme le rappelle Eric Zemmour. Ce qui caractérise la société post-moderne, c’est son éclatement multiculturel, son incapacité à assimiler des populations étrangères, sa communautarisation croissante étudiée par Jérôme Fourquet dans l’Archipel français. C’est surtout son incapacité chronique à créer du commun. Les immigrés musulmans ont une Nation. C’est l’Oumma, une nation politique et spirituelle à la fois résolument incompatible avec la République, la France ou tout autre patrie.
Lorsque François Hollande en 2016 évoque une « partition » dans Un Président ne devrait pas dire ça ou lorsque le 2 octobre 2018, Gérard Collomb dit au moment de sa passation de pouvoir au futur ministre de l’Intérieur que l’on passera du « côte-à-côte » au « face-à-face », peut-on prendre au sérieux les injonctions du vivre ensemble ? Cette imposture intellectuelle et politique est un instrument pour couvrir d’un voile verbal la société multiconflictuelle qui est devant nous et au coeur de nos villes moyennes et de nos métropoles. Les statistiques sur la surdélinquance immigrée données dans la France Interdite de Laurent Obertone montrent toute la supercherie du vivre ensemble. Les. analyses de Xavier Raufer viennent malheureusement confirmer que le vivre ensemble est un récit, une bulle narrative qui va éclater sur le mur tragique du réel.
Tous ces mythes sont au service d’un objectif très simple. Il s’agit du système immunutaire d’une société post-moderne qui, embarquée dans la folie mondialiste, ne souhaite plus voir dans le miroir ce qu’elle est devenue ou voir dans le rétroviseur ce qu’elle a perdu. Ces 4 mythes confortent l’aveuglement tragique, le nourrissent, le renforcent, le justifient.