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Notes de lecture sur L’écologisme, nouveau totalitarisme ? de Drieu GODEFRIDI

61jRKPHXEJLPoser la question, c’est déjà y répondre. L’écologisme, nouveau totalitarisme ? appelle pour Drieu GODEFRIDI une réponse sans appel. Elle l’est. L’auteur le montre dans un texte double, en miroir : un essai tonique, bref, dynamique et une nouvelle qui se présente sous la forme d’une dystopie se déroulant en 2049.

L’essai de divise en deux parties.

Drieu GODEFRIDI dresse d’abord un portrait de l’écologisme théorique. L’auteur analyse la rupture anthropologique d’une discipline qui remplace la hiérarchie des êtres et la primauté de l’homme dans la Création par un « physicisme » où la nature réunit des êtres indifférenciés (hommes, animaux, végétaux, minéraux). Drieu GODEFRIDI y voit une manifestation du gnosticisme où la corporéité est perçue comme un enfermement et le désir de domestiquer la nature comme une anomalie. L’auteur se penche ensuite sur le malthusianisme de l’ouvrage de Paul EHRLICH, la Bombe P (population) publié en 1968 qui laisse libre cours à un anti-humanisme décomplexé : une « réduction drastique (de la population) qui serait la  solution finale au problème écologique » . Le fameux rapport Meadows (Club de Rome) en 1972 vient apporter sa pierre à l’édifice écologiste par la perspective inéluctable de l’effondrement (« collapse ») dû aux ressources limitées disponibles sur terre. D’où le concept d’équilibre c’est-à-dire l’arrêt de la croissance voire la décroissance. Après avoir analysé les vulnérabilités intellectuelles et conceptuelles de ce premier écologisme, l’auteur aborde le nouvel écologisme, à prétention scientifique incarné par le Groupe d’Experts Intergouvernementaux sur le Climat crée en 1988, regroupant 195 États. L’auteur refuse vigoureusement au GIEC la scientificité de ses conclusions et  déplore les conclusions de nature morale et politique. Drieu GODEFRIDI constate que la parole scientifique de l’écologisme est tournée vers un modèle unique : le réchauffement de la terre, provoqué par l’émission de CO2, est de nature anthropique. L’homme devient le problème d’où l’hiatus entre le respect de la nature, de la planète et la liberté humaine. Servir l’une, c’est combattre l’autre et l’auteur de citer Hans JONAS : « le renoncement à la liberté humaine est inéluctable » d’où l’atavisme totalitaire de l’écologisme contemporain. L’homme est le problème, l’ennemi, l’homme à abattre. L’auteur va traquer dans l’esprit écologiste un nouveau machiavélisme où la fin (sauver la terre) justifie les moyens (le noble mensonge, la propagande, la désinformation, la tyrannie).

La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à l’écologisme appliqué. « Écologisme et démocratie » est un des chapitres les plus intéressants de l’ouvrage. Drieu GODEFRIDI montre avec clairvoyance l’entrisme des écologistes par le lobbying idéologique, « la colonisation des lieux de pouvoir à l’échelon international », dit-il. L’ONU, le Conseil de l’Europe, la CEDH, la CJUE sont des relais puissants qui vont créer un cadre normatif contraignant pour les juridictions nationales. Dans ce gouvernement mondial des juges , les « normes recommandées » notamment par le GIEC sont entrées dans nos droits nationaux par la jurisprudence notamment européenne, ce qui pose un problème de souveraineté nationale évident. L’auteur développe ensuite les relais journalistiques, l’utilisation des enfants . Il fait une liste des phobies de l’écologisme : les transports, la viande, l’agriculture, le nucléaire pour aborder le sujet crucial de l’euthanasie en phase avec l’antihumanisme inhérent à l’écologisme, l’homme étant foncièrement nuisible, l’intrus de la création.

L’écologisme, nouveau totalitarisme ?  est  un essai à charge et au pas de charge. La vigueur du propos s’exprime parfois au détriment de la précision et certains thèmes auraient mérité un plus ample développement. Mais de nombreux points de l’ouvrage ont attiré notre attention.

Drieu GODEFRIDI insiste sur l’antihumanisme foncier de l’écologisme. La causalité exclusivement anthropique selon lui  du réchauffement climatique  montre bien que l’homme est un intrus, un nuisible qu’il convient de brimer voire de chasser. L’écologisme, voué au culte de Gaïa dans la dystopie, oublie paradoxalement une seule chose dans son raisonnement : la nature. De nombreux travaux à la scientificité au moins aussi solide que celle du GIEC mettent en évidence par exemple le lien entre les variations de température et les cycles de l’activité solaire notamment lors de l’optimum climatique médiéval (1000-1250) et du petit âge glaciaire  (1400-1850). Cet oubli de la nature, fort paradoxal, révèle un anthropocentrisme exacerbé, l’homme étant la causalité de tout. C’est l’homme-Dieu de FEUERBACH  qui défait la nature à sa guise. Il est doté d’une puissance suffisante pour dérégler les lois de la nature et créer une apocalypse (le « collapse »)  à lui tout seul. Dans cet écologisme, se cache un fantasme de la toute-puissance de l’homme mais inversé, culpabilisateur. L’écologiste prophétise l’apocalypse dans une préscience irrationnelle qui confine à l’errance voire au délire.

L’écologisme est une caricature de rousseauisme. La « nature » (concept qui exclut l’homme alors qu’il y est inclus) est bonne et l’homme la pervertit. La nature est personnalisée (« Sophia-GaÏa » dans la dystopie) et l’homme lutte contre elle. Cette personnalisation relève d’un paganisme foncier et millénaire que l’écologisme fait resurgir. La lutte contre l’anthropologie chrétienne que signale Drieu GODEFRIDI est très juste car, sur le plan philosophique, l’écologisme conteste la hiérarchie rigoureuse des êtres de Saint-Thomas d’Aquin par exemple pour y substituer une unité indifférenciée de la nature, paradisiaque, dont l’homme serait l’ange déchu. Plutôt qu’une science, c’est une mystique romantique dont les bribes de scientificité alimentent le récit. Greta Thunberg , militante suédoise née en 2003, fut de ce point de vue l’emblème de cette diabolisation de l’homme. Très jeune, les médias et les lobbies en ont fait une icône de la révolte de la nature contre l’homme, ce qui lui a valu des audiences aberrantes auprès de parlements nationaux (Suède, Grande-Bretagne, France), auprès de l’ONU lors de la COP 24 où elle a milité contre le réchauffement climatique et l’inaction supposée des pouvoirs publics. Greta Thunberg incarne les dérives de la postmodernité : la jeunesse donne des leçons de responsabilité à la vieille génération, un trait typique du déracinement postmoderne. Greta a la parole de l’enfant : une parole pure, naturelle,  intacte, supposée être à l’abri du mensonge et de la dissimulation. La vérité sort de celui qui n’a pas de culture, de celui qui n’a rien appris d’où l’insistance médiatique sur la grève de l’école, la culture étant corruptrice. L’autisme a même été – scandaleusement – utilisé pour montrer que la fermeture à l’homme est une ouverture à la nature qui dépasse largement l’humain dégénéré. Cette icône postmoderne fut et reste une épisode absolument délirant dont l’Occident, perdu, est malheureusement capable.

Cette mystique écologique se traduit politiquement. Tout ce que fait l’homme est marqué du sceau du mal : l’industrie, la technologie, la raison, la pensée. Leur schéma est celui de la tragédie décrite par NIETZSCHE : l’homme , par l’art ou l’industrie, vient introduire le chaos. Il est un miasme qu’il faut punir (les taxes écologiques par exemple), qu’il faut contrôler voire contraindre (par la production de normes environnementales toujours plus strictes, chères et désincitatrices à vivre…)

L’écologisme politique est habité d’un paradoxe majeur : son rapport à la liberté. Les partis écologistes (EELV) classés à gauche, ayant participé au gouvernement de Lionel Jospin (1997-2002), sont dans les campagnes électorales les chantres d’un libéralisme libertarien, où tout est permis : le refus de l’ordre, la dépénalisation de substances nocives et interdites relèvent d’un substrat anarchiste évident. L’écologisme est le vecteur idéologique d’une liberté naturelle où le désir est roi, la volonté individuelle venant s’opposer aux lois civiles comme en témoigne par exemple la célébration illégale d’un mariage homosexuel en 2004 par Noël Mamère. Si légitimité d’une morale du sentiment s’oppose à la légalité, la « désobéissance civile » est un devoir…En même temps, cette liberté est dangereuse et la dystopie de Drieu GODEFRIDI montre bien que les hommes décident de s’enfermer eux-mêmes dans des camps ouverts où ils se donnent la mort pour la préservation de la nature. La liberté est l’instrument de la privation de liberté – suprême paradoxe – car l’homme incarne le Mal. Sa liberté n’est légitime que parce qu’elle est l’instrument de sa propre destruction. Anthropologie sublime que celle des écologistes…

L’écologisme est un internationalisme postmoderne. Ce n’est pas un hasard si les partis écologistes font de bons scores aux élections européennes : 13,48% en 2019, 8,95% en 2014, 16 ,28% en 2009 soit bien au-dessus de leur étiage national. Les partis écologistes considèrent que l’Etat stratège a été le vecteur du productivisme  et de l’industrialisme qui a préparé selon eux les conditions de l’effondrement. Ainsi, faut-il dépasser le cadre national pour envisager un gouvernement mondial qui soit capable de contraindre l’ensemble de l’humanité à la décroissance. Ce sont les alliés objectifs pour ne pas dire les idiots utiles du libéralisme européen, de Davos et de toutes les officines qui souhaitent en finir avec les peuples et les nations. Pour eux, l’homme doit être touillé, malaxé, métissé, perdre ses attaches nationales – foncièrement mauvaises –  et se noyer dans la globalisation. Les écologistes l’ont bien compris et ils activent les juridictions concurrentes des juridictions nationales pour contraindre les Etats. Mais là encore le courant écologiste est traversé de paradoxes insolubles : la bourgeoisie écologiste est globalement adepte de ce mondialisme naïf mais certains courant écologistes – pas toujours identifiés politiquement, – sont favorables au contraire  à un localisme exacerbé et une forme d’autarcie.

Cette écologie libertaire, mondialiste, anti-productiviste, dés-anthropocentrée, est-ce la vraie écologie ? On aurait tort de balayer d’un revers de main, certains problématiques soulevées par l’écologisme. L’Occident se caractérise en effet par un oubli inquiétant de la nature (voir la déconstruction de la nature). L’artificialisation généralisée par la bétonisation, par la construction d’éoliennes – à l’inefficacité énergétique avérée- qui défigurent les paysages, par le tourisme, par la « robotisation » progressive de l’homme augmenté ne peut manquer d’inquiéter l’homme qui se trouve ainsi déraciné de la nature dont il fait pourtant partie. L’idéal cartésien de « se rendre maître et possesseur de la nature » est devenu un idéal prométhéen : recréer la nature, faire une nature à notre image, ce qui est un saut qualitatif à la fois fascinant et effrayant.  L’écologisme est caricatural dans son désir de garder la nature intacte : certains vont même jusqu’à refuser des vaccins voire la médecine pour laisser la nature suivre son cours.  Or, si l’on considère la maladie comme un dysfonctionnement de la perfection naturelle, on replace la médecine dans une démarche de conservation de la nature. Il en est de même pour l’industrie : l’homme est un être rationnel dont une des caractéristiques est de subordonner la nature à des fins de conservation d’où l’utilisation d’objets pour sa subsistance , l’industrie pour son bien-être  et l’art pour son plaisir. Industrialiser n’est pas artificialiser et l’écologisme ne parvient pas à faire cette distinction.

L’écologisme ne comprend pas que la destruction du cadre naturel est le résultat de la politique d’ouverture qu’ils réclament à cor et à cri : ouverture des frontières, mixage forcé des civilisations et des races. La circulation anarchique des hommes inscrite dans le TFUE et renforcée par le Pacte de Marrakech de décembre 2018 entraîne une disparition du chez soi avec le respect et l’attention que cela implique pour le cadre naturel. Elle conduit à un sentiment de désappropriation qui se traduit par la tiersmondisation des métropoles (Paris !), la saleté généralisée y compris de quartiers jusque là préservés.

Il ne sert à rien de parler d’écologie sans évoquer la lutte contre le remplacisme global qui détruit les équilibres culturels et naturels et rend caduque toute préoccupation écologique. Il ne sert à rien de parler d’écologie sans renouer avec une philosophie de la nature qui remette chacun à sa place. Drieu GODEFRIDI approche cette problématique à travers sa dystopie car l’écologie politique, explosant de paradoxes, rend l’homme impossible. Mais le remplacisme global rend l’écologie impossible et l’homme impossible. Tout est emporté dans le tourbillon de la mondialisation, de l’artificialisation de tout et de tous.

Drieu GODEFRIDI nous interpelle sur ces thématiques. A nous tous collectivement de trouver une écologie qui ne trahisse pas l’homme et son aspiration à la liberté, qui ne trahisse pas la nature et son aspiration à la conservation, qui ne trahisse pas les civilisations et leur aspiration à la continuité historique.

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