Chroniques

Le Great Reset ou la révolution des codes : réflexions sur une vidéo de Jacques Attali.

Dans le cadre de la TEDxUT Troyes, organisée en mai 2021, Jacques Attali a fait une intervention de 5 minutes qui me semble donner un éclaircissement singulier aux événements dystopiques que nous connaissons aujourd’hui. 

Jacques Attali ouvre son intervention sur une question : faut-il changer de codes ? Et d’énumérer tous les codes qui structurent notre vie : la vie sociale (le code vestimentaire, les codes de comportement, les codes de politesse), la vie économique (les codes bancaires, les codes des logiciels), la vie biologique (les codes génétiques). 

Jacques Attali considère que nous traversons, avec la « crise actuelle », sanitaire, une période propice à cette révolution des codes. C’est une fenêtre d’opportunité qui va permettre de passer selon lui d’une « ère de l’égoïsme » avec ses codes propres à une ère de l’ « altruisme », de la « compassion », de l’ « empathie ». La fin du monde décrite par Patrick Buisson dans son livre (La fin d’un monde, Albin Michel, 2021) est le résultat d’un processus nécessaire selon Attali qui doit déraciner, extirper les miasmes d’un monde produisant une économie spécifique, une politique spécifique, une anthropologie spécifique, qu’il convient de révolutionner.

Jacques Attali, dans cette intervention, s’inscrit dans l’idéal cartésien : nous rendre « maîtres et possesseurs de la nature ». Mais il va beaucoup plus loin en posant la question : « Qu’est-ce qui doit être invariant ? Qu’est-ce qui doit rester le propre de l’homme ? ». Selon lui l’histoire de l’humanité est la « lente traduction de l’homme en un objet, en un artefact ». Il utilise ainsi l’idéal cartésien de maîtrise de la nature pour s’en affranchir et pour l’abolir. Alors que Julien Offray de la Mettrie (1709-1751) considérait que ce que Descartes disait de l’animal (une machine) était valable pour l’homme (une organisation sophistiquée de la matière), Jacques Attali considère que cet homme-machine est un idéal à atteindre, un horizon d’attente car ce qui est naturel n’est pas humain et notre humanité ne se mesure qu’à notre force d’extraction des déterminismes naturels.  Ainsi, on a le droit de « tout toucher » en l’homme. L’homme de la postmodernité est un homme-prothèse, un homme progressivement remplacé par son artefact. Larry Page, le fondateur de Google, proclamait lui-même : « Le cerveau de l’homme est un ordinateur obsolète qui a besoin d’un processus plus rapide et d’une mémoire plus étendue ». La Création est une ébauche que l’homme a pour mission de compléter, de parfaire, voire de détruire pour la reconstruire, dans une sorte de destruction-créatrice non seulement économique mais métaphysique. Je laisse aux philosophes le soin d’inscrire cette démarche dans une tradition intellectuelle : j’y vois néanmoins en première approche une influence de Pic de la Mirandole et son homme sculptant sa propre statue, de Concordet et ses travaux sur les progrès de l’esprit humain et, plus globalement, de toute la philosophie des Lumières souhaitant libérer l’homme de la Tradition et des préjugés qui lui seraient consubstantiels. 

Il faut en effet recoder l’homme ancien, le monde ancien et procéder à une grande réinitialisation anthropologique et sociale. L’intervention de Jacques Attali – il n’en prononce jamais le concept – s’inscrit pourtant pleinement dans ce projet de Grande réinitialisation, présentée par Klaus Schwab dans Covid-19 (WEF publishing, 2020). Il ne s’agit pas simplement d’une révolution technique et organisationnelle des moyens de production et de gouvernance : numérisation, intéropérabilité globale, intégration des politiques publiques au niveau mondial. Il convient de « fabriquer des êtres artificiels », de reprogrammer l’homme puisque « c’est dans l’artefact que se situe la vérité ». Jacques Attali donne, au détour de cet éloge de l’artefact, un rôle au « vaccin » qui « va protéger ce code (génétique), l’améliorer, le défendre contre des virus, ce qui – convenons-en, sur le plan médical, consiste en une redéfinition totale du concept de vaccination. Comment ne pas s’interroger ainsi sur le rôle qui est dévolu à la vaccination de masse conséquemment à la crise sanitaire que nous connaissons ? Comment ne pas comprendre a minima le scepticisme qui peut gagner l’opinion publique face à des concepts initialement médicaux mais manifestement dévoyés de leur finalité ? L’idéal transhumaniste exprimé par Jacques Attali est une paradoxale sacralisation de la santé et une désacralisation proportionnelle du corps, une sorte de gnose dualiste ou de catharisme postmoderne, le corps n’étant qu’impureté, une impureté qu’il convient de purifier par la technologie en faisant disparaitre sa dimension naturelle. La santé devient ainsi le produit de cet artefact et de cette purification par la technologie. 

C’est par un renversement saisissant que Jacques Attali parle – c’est le propos de son intervention – d’une économie de la vie. La « vie » définie par l’auteur est désarrimée de la nature. Ce n’est donc pas à proprement parler une « vie » mais une orchestration artificielle du vivant, une ingénierie sociale et anthropologique rondement menée – on le voit aujourd’hui – et qui s’inscrit parfaitement dans la « réinitalisation individuelle » dont parle Klaus Schwab dans la dernière partie de son livre (pp. 240-275) : « En termes simples : allons-nous devenir plus attentionnés, plus compatissants ? (p. 241) », allons-nous réussir à « maximiser le bien commun » ? (p. 246)  dans une formulation qui reprend la tonalité pseudo-chrétienne et moralisatrice de Jacques Attali (« plus empathique, plus doux, plus tolérants »). L’auteur en appelle, dans une rhétorique écclesiastique, un pastiche d’éloquence sacrée, à une « économie de la vie » qui se substitue à la morale individualiste et utilitariste de l’ « égoïsme et de l’avidité ». Pour cela, Jacques Attali se livre à une série de perscriptions ou d’interdictions qui évoquent une orthopraxie presque religieuse : « ne pas autoriser le sucre, ne pas autoriser le tabac, ne pas autoriser l’alcool, ne pas utiliser le pétrole ». Et d’énumérer, à partir de ces interdictions les secteurs économiques qui doivent disparaître et ceux qui doivent au contraire être promus dans un effet de miroir avec la réinitialisation «micro » (économique) dont parle Klaus Schwab (p. 195-237). On peut retrouver, dans ce tri des déchets économiques, les secteurs notamment de la restauration, du loisir et des transports qui viendraient « empoisonner » l’homme.

Cette intervention de Jacques Attali est riche d’enseignements. 

D’abord, elle met à mort le « complotisme ». Il n’y a pas de complot. La vidéo est publique. Jacques Attali ne s’est jamais caché et ne se cache pas et – c’est à mettre à son crédit – adopte une démarche cohérente et argumentée pour promouvoir le monde d’après qu’il souhaite. 

Ensuite, les effets de miroir entre l’intervention de Jacques Attali, le livre de Klaus Schwab et l’allocution d’Emmanuel Macron le 12 juillet sont assez saisissants. Philippe de Villiers dans le Jour d’après raconte un aparté avec Jacques Attali où il lui demande une « confirmation de paternité spirituelle pour le jeune Emmanuel » et Jacques Attali de répondre : « Emmanuel Macron ? C’est moi qui l’ai repéré. C’est même moi qui l’ai inventé. Totalement ? A partir du moment où je l’ai choisi comme rapporteur-adjoint de ma commission, où il y avait le tout Paris et le monde entier, je l’ai fait connaître » (p. 62). Je ne crois pas que Jacques Attali ait démenti ce passage du livre. Je ne puis m’empêcher de penser qu’Emmanuel Macron a une compétence liée, informelle bien sûr, et traduit en politiques publiques des incitations fortes venant de milieux qui ne sont ni élus ni même parfois connus par le peuple français. Cela pose une grave question d’indépendance politique de la France même si l’indépendance nationale, l’identité religieuse et ethnique sont considérées comme un « mélange toxique » par Klaus Schwab ! (Covid-19, p.244)

Enfin, il faut voir le système, la Matrice qui rend possible cette vision. Elle est indépendante des volontés individuelles mais procède d’un processus collectif que nous voyons à l’œuvre de manière éclatante depuis quelques décennies : le Grand remplacement, de l’indigène par l’allogène, de la nature par son artefact et par l’écologie, de l’homme par la machine et les données (le QR code), enfin, plus récemment, de la liberté par la « santé », de la culture par la woke culture, du néo-libéralisme par un communisme postmoderne dont Jacques Attali esquisse les valeurs et le contenu dans son intervention (« Le Covid-19 sonnera probablement le glas du néolibéralisme » nous dit Klaus Schwab rapporté par Philippe de Villiers dans le Jour d’après, p. 138.) Renaud Camus voit juste lorsqu’il concentre toutes ses forces dans la lutte contre le remplacisme global, ce processus qui emporte les Humanités et l’humanité vers un horizon toujours plus indifférencié, toujours plus mixé, toujours plus chiffré, toujours plus numérisé où la science fondamentale laisse place à la science expérimentale. 

Or, je vois dans le Pass sanitaire, au-delà d’un problème de libertés fondamentales – déjà préoccupant en soi – une voie d’entrée dans ce processus ou plutôt une accélération très nette et irréversible de cette ingénierie sinistre du remplacisme global. Avant que la « bascule » tant attendue par Davos, ne s’opère, il convient de mettre toute notre énergie à arrêter ce massacre anthropologique et cette blessure profonde infligée à la Création…

6 réflexions au sujet de “Le Great Reset ou la révolution des codes : réflexions sur une vidéo de Jacques Attali.”

  1. Merci à vous pour cette excellente et terrifiante analyse. Nous sommes engagés désormais, malgré nous, dans un processus diabolique. Quelles sont encore les raisons d’espérer ??
    Bien à vous,
    Christine Charnay

    Envoyé de mon iPhone

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  2. Magnifique article, mesuré et objectif mais qui n’ pas peur de dénoncer les choses. Quand j’ai entendu cette vidéo, j’ai pensé la même chose. Mais encore fallait-il analyser ce discours plus en détail puis le coucher sur le papier. Voilà qui est fait et je n’aurais pu mieux faire …merci!

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